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Marche des Fiertés à Lyon en non-mixité: les militants du CRAC-LGBT absents?

À bas l'ordre hétéro-capillariste


Marche des Fiertés à Lyon en non-mixité: les militants du CRAC-LGBT absents?
Des milliers de personnes participent à la Gay Pride à Paris, le 26 juin 2021 © Florence Gallez / Medialys Image/SIPA

Dans ses Essais, Philippe Muray disait que « l’ère de l’hyperfestif s’annonce comme un indéterminable défilé de la fierté. Nous avons, paraît-il, connu l’âge du fer; nous entrons aujourd’hui dans l’âge du fier ». Un événement qui se déroulera prochainement corrobore la prophétie de Muray…


Une Marche des Fiertés en non-mixité aura lieu le 11 juin à Lyon. Comme le précise sur Twitter le “Collectif des Fiertés en lutte” qui organise cette marche, la « non-mixité est une pratique qui permet ponctuellement de réserver des espaces spécifiques à des personnes concernées par un certain type d’oppression et de discrimination ».

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Les queer racisés ouvriront le cortège. Les différentes communautés opprimées marcheront à leur suite en respectant des espaces spécifiques pour chaque groupe : d’abord les handicapés, puis les lesbiennes, puis les trans, puis les intersexes, etc. Ainsi, dans l’ordre et la bonne humeur, chaque groupe pourra défiler fièrement sans craindre les comportements oppressifs, même involontaires ou inconscients, des autres groupes eux-mêmes protégés par leur homogénéité. Pourtant, nous allons voir bientôt qu’il y a un hic.

Tous de mèche contre les chauves

Rappelons d’abord que l’auteur de ces lignes a écrit il y a quelques mois, en collaboration avec le CRAC (Comité Représentatif des Associations de Chauves), une Lettre sur les chauves (Éditions Ovadia) dans laquelle il était rappelé les discriminations dont souffrent les chauves dans une société incapable d’endiguer leur stigmatisation, leur invisibilisation ou leur avilissement dans le monde médiatique, littéraire ou cinématographique. En s’appuyant sur les travaux du sociologue Erik Larssin (Chauve, non-chauve, quelle différence ?), de la philosophe Edith Bateleur (Trouble dans la chevelure), et de Michel Foucault (Le corps utopique), il y était fait la preuve d’une société hétérocentrée, capillariste et chauvophobe – la cis hétéronormativité s’accompagnant souvent d’une cis capillaronormativité. Ce manifeste promettait d’aider à la libération de la parole des chauves, de combattre la chauvophobie hétérosexuelle comme l’homophobie capillariste et de revisibiliser les chauves, tous les chauves, pour les « repositionner sur l’échiquier des combats politiques et intersectionnels des mouvements minoritaires qui interrogent la norme pour la déconstruire ».

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Les autorités publiques, arc-boutées sur une représentation rétrograde de la capillarité et du genre, n’ont pas cru bon d’apporter leur soutien aux associations de chauves. La colère n’a fait que croître. Un militant du CRAC-LGBTQIA+, excédé par la passivité du gouvernement devant les discriminations redoublées, a écrit un livre rageur dans lequel la colère cède la place à une rancœur acrimonieuse, prélude toutefois d’un bouleversement amoureux : « Je crois que la détestation des chevelus nous ouvre les portes de l’amour pour les chauves sous toutes les formes que cela peut prendre. Et qu’on a besoin de cet amour – de cette chauvorité – pour nous libérer. » (Kevin Lafrange, Moi, les chevelus, je les déteste, aux éditions du Cap Hilaire). Ce livre a fait grand bruit ; mais ni lui ni notre Lettre sur les chauves n’ont été lus par le Collectif des Fiertés en lutte, semble-t-il.

Alors… on n’attend pas les chauves?

En effet, dans ce cortège segmenté en communautés fières d’exhiber leur fierté, la communauté des chauves LGBT, dont la fierté n’est plus à démontrer, n’a pas été invitée. Nulle place pour elle au milieu de toutes ces Fiertés. L’intersectionnalité de la cause chauviste symbolisée par les différents mouvements internes qui la composent (les bicapillaires asexués, les pansexuels acapillaires, les chauves trans, les intercapillaires gays, les lesbiennes chauves, etc.) aurait dû pourtant lui valoir une place de choix (peut-être pas la première, réservée aux racisés, mais sans doute la deuxième).

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Il n’est pas trop tard. Le CCCF (Comité contre la Chauvophobie en France) et le CRAC-LGBTQIA+ adressent conjointement une requête aux organisateurs de la Marche des Fiertés lyonnaise : Laissez les chauves LGBT participer fièrement à cette Marche et disposer d’un espace protégé dans lequel ils n’auront à craindre ni les remarques désobligeantes ni les allusions salaces (comme « baisodrome à mouches », « boule de billard », « tête de gland »  ou « crâne en peau de fesse »). Nous sommes fiers de notre chauvité comme nous sommes fiers de nos différentes sexualités – nous sommes fiers de lutter fièrement contre l’ordre hétéro-capillariste. Laissez notre fierté gonfler les rangs de l’armée des Fiertés en lutte compartimentée. Fièrement, marchons côte à côte mais séparément, chacun avec nos discriminations propres, vers un monde moins sectaire, plus ouvert et inclusif. L’un derrière l’autre, montrons notre tolérance et notre ouverture à l’autre. En non-mixité solidaire, luttons ensemble pour une fusion des Fiertés, sans faire abstraction des spécificités oppressives de chaque communauté. Cheminons fièrement, mais dans l’ordre de nos espaces réservés, vers un monde encore plus fier, plus accueillant, plus juste et plus respectueux de toutes les différences.

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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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