Près de 91 000 personnes ont défilé en France samedi contre le racisme et l’extrême droite, selon la police. Le parti de Jean-Luc Mélenchon s’était vu reprocher la diffusion d’une affiche critiquée pour des accents antisémites, qui avait suscité l’indignation de… SOS Racisme. Malgré un mea culpa partiel de certains élus, cette controverse a renforcé l’isolement de LFI au sein de la gauche, qui outre cette communication jugée calamiteuse se voit aussi reprocher un manque de prise en compte explicite de la lutte contre l’antisémitisme.
Oui, peu de monde s’il s’agit véritablement de lutter contre un si grand péril.
Cependant, de mon point de vue, ces messieurs z’et dames devraient continuer, prolonger le noble effort. Ils devraient reconduire ces marches de samedi en samedi partout en France et par tous les temps. En aboyant leur révolte de pacotille, en brandissant leurs pancartes ineptes. Oui, marcher sans faiblir, par les boulevards, les places, les rues et les venelles. Car à chaque mètre de parcours franchi, à chaque vocifération lancée ils ne font en réalité que contribuer à éveiller et doper ce qui fait depuis toujours la première force, la première vertu de l’esprit français, le Bon Sens. (Le Bon Sens n’a pas encore de monument ou de temple en France, il faudra y penser.)
Plus ils marcheront, plus ils brailleront et plus ils assureront la promotion de ce qu’ils prétendent combattre. De ce fait, leurs cortèges, leurs criaillements ne sont pas en réalité des marches et des chœurs contre la droite – extrême ou non – mais tout au contraire pour la droite, ce territoire idéologique qui, ces dernières années, prospère continument pour la simple et bonne raison que c’est là que s’est réfugié et réside désormais le Bon Sens à la française. Là est bel et bien, en effet, l’explication première du phénomène.
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Ce bon sens, la lucidité salutaire qui, contre vents et marées, invite et engage à voir le réel tel qu’il est et à rejeter, in fine, les postures morales et les impostures mentales qui ne visent qu’à tromper les populations, à leur faire prendre des vessies pour des lanternes…
Ici même Céline Pina a excellemment mis en exergue le fatras de contradictions que ces marionnettes déambulantes véhiculent.
Outre celles-ci, une des plus jubilatoires est bien, en effet, que ces résistants-héros du samedi après-midi n’aboutissent qu’à promouvoir et fertiliser ce qu’ils exècrent et vouent au bûcher… Et qui, pourtant, à la fin des fins, les sauvera. Car – pour s’en tenir à seulement deux cas – particulièrement parlants, il est vrai – si les inspirateurs islamistes de ces mouvements, bref ceux qui tirent en vrai les ficelles accédaient aux commandes, il est bien clair qu’aucun des livres d’Annie Ernaux (je les ai tous lus), aucun des sketchs de Blanche Gardin (je pense qu’aucun ne m’aura échappé – ou que je n’aurai échappé à aucun, au choix…) n’y survivraient. Au bout de leur marche, en réalité, pour l’une et l’autre – et pour tant d’autres à leurs côtés – c’est leur propre bûcher qui les attend. Et, voyez-vous, ça ne me fait même pas rire…
Cela dit, à vous de voir, camarades. Mais en attendant, marchez et marchez encore. Le Bon Sens vous en saura gré.
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