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Œdipe à l’italienne

« Marcello mio » de Christophe Honoré, en salles actuellement


Œdipe à l’italienne
Marcello Mio © Jean-Louis Fernandez

Dans Marcello mio, Chiara Mastroianni est Marcello Mastroianni. Troublant.


C’était un temps à aller au cinéma. Mais pas pour voir n’importe quel film, un film qui fait rêver, tient en respect la mauvaise mine de la période, explore la complexité de l’âme humaine. Le nouveau long-métrage de Christophe Honoré, réalisateur qui pense ses films avant de les tourner, pourrait se résumer à ceci : miroir, dis-moi qui je suis ? Car au-delà des apparences, il faut chercher la cause première de ce visage, qui, au fond, n’est qu’une apparence, souvent trompeuse. Christophe Honoré, avec Marcello mio, rend hommage à l’un des plus grands comédiens de tous les temps, Marcello Mastroianni. Il possédait la classe naturelle, pouvait tout jouer, le ténébreux, le séducteur impuissant, le facétieux, le pervers ; il savait transgresser sans jamais être vulgaire, il pouvait se moquer de lui sans tomber dans la caricature. Il possédait cette fêlure des gens qui savent que la vie est un jeu, une drôle de farce qui finit mal. Christophe Honoré décide que la belle Chiara Mastroianni va devenir son père jusqu’à lui ressembler de manière troublante. Le travestissement doit conduire à, non pas jouer le père en fait, mais à être ce père célèbre qu’elle connaît peu. Le résultat est bluffant. On entre dans un univers nostalgique qui prend au cœur. Catherine Deneuve est de la partie. Elle est la mère de Chiara, dans le film comme dans la vie. Deux ex de Chiara sont également embarqués dans cette aventure improbable, Melvil Poupaud et Benjamin Biolay. Car la quête des origines a toujours quelque chose d’angoissant. Parviendrons-nous à résoudre l’énigme ? Et qu’adviendra-t-il si nous y parvenons ? La fin du film explore cette zone grise incestueuse que le réalisateur avait déjà éclairée dans Ma mère, long-métrage inspiré du roman posthume de Georges Bataille. Et puis, il y a Fabrice Luchini, l’ami qu’on peut réveiller en pleine nuit pour lui confier ses doutes existentiels. Il joue son propre rôle, sobrement. Il n’y a que Chiara qui ne joue pas Chiara. Devant son miroir, elle est Mastroianni. Même regard, même chapeau noir (celui de Huit et demi), même moustache (celle de Mariage à l’italienne), même fume-cigarette, mêmes lunettes noires (celles de L’Assassin). On revisite en passant, tout en légèreté, les grands rôles du comédien mort en 1996. C’est subtil, à l’image du film. Lorsque Chiara arrive à Rome, l’atmosphère change ; il y a le soleil, les terrasses qui chantent, la fontaine de Trevi, la dolce vita quoi.

Benjamin Biolay; Nicole Garcia; Fabrice Luchini; Catherine Deneuve; Melvil Poupaud et Hugh Skinner © Jean-Louis Fernandez

On oublie la morosité de Paris qui meurt d’ennui. Chiara descend de la moto taxi qui la conduit à l’hôtel. Elle garde son casque sur la tête. Elle entre dans le cimetière où repose son père. Honoré ne filme pas la scène davantage, puisque les acteurs sont éternels. Autre scène : Chiara, moustache, peignoir, allongé(e) sur le lit de sa chambre, feuillette Mouvement, roman de Sollers. L’écrivain, récemment décédé, avait mis au point les IRM (Identités Rapprochées Multiples). Ça pourrait résumer le film.

À la fin, Chiara redevient Chiara. Plus de moustache, de cheveux courts, elle nage, se dirige vers le large, ses amis s’inquiètent alors. Elle quitte le père, pour plonger dans le ventre de la mer (mère). Après le clap de fin, les images du film ne vous quittent pas. Elles continuent d’infuser. Elles donnent envie de revoir les chefs-d’œuvre de cet acteur à la voix nicotinée inoubliable.

Christophe Honoré, Marcello mio, actuellement en salle.




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Pascal Louvrier est écrivain. Dernier ouvrage paru: « Philippe Sollers entre les lignes. » Le Passeur Editeur.

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