Marcel Gauchet et Elisabeth Lévy ont commenté l’arrivée de Jean Castex à Matignon sur REACnROLL, la webtélé des mécontemporains. Une heure d’émission est à retrouver sur la chaîne.
Causeur vous propose de lire un extrait de l’entretien d’une heure que Marcel Gauchet a réservé à Elisabeth Lévy sur RNR.TV (disponible sur abonnement, 5€ par mois seulement).
Elisabeth Lévy. Que vous inspire le nouveau gouvernement Castex ? Que vous inspire cette équipe de « réinvention » ?
Marcel Gauchet. Rien du tout. Ce qui me frappe, c’est le décalage entre le ramdam soulevé par cet évènement et sa portée réelle pitoyable. C’est en fait un non-événement. Ce remaniement met en évidence le désert d’hommes et de femmes qui constituent la Macronie. Ils n’ont personne, d’où la nécessité de faire du buzz avec une personnalité inattendue comme Dupond-Moretti. Ce genre d’événement intensément médiatisé ne fait que souligner la différence entre les attentes du citoyen de base et la réalité de l’offre gouvernementale qui lui est offerte. Le décalage entre les attentes politiques et les moyens mis en œuvre est plus criant que jamais. Imagine-t-on un état-major des armées constitué de la sorte ? Il est vrai qu’un état-major n’a pas la contrainte de représentativité qu’un gouvernement a, bien entendu. Mais un gouvernement devrait en principe avoir la même contrainte de compétence technique qu’un état-major des armées ! La politique se dévalue au jour le jour avec ce genre de mises en scène de plus en plus grotesques.
(…)
Au menu de cette émission:
– Le nouveau gouvernement Castex
– La Convention citoyenne pour le climat
– Le pouvoir des maires
Un mot sur le Premier ministre Jean Castex, à présent. Cela faisait des mois que le président nous expliquait que l’énarchie, la technocratie et les lourdeurs de l’administration le bloquaient et l’empêchaient de faire sa politique. Et qui nomme-t-il ? Un super-énarque !
Emmanuel Macron nomme quelqu’un qui est là pour appliquer ses ordres, qui n’a pas de surface politique et qui, par conséquent, ne peut être un frein entre ses intentions et l’action qu’il va conduire. C’est un pur administrateur. En conséquence, le danger pour Emmanuel Macron est de se désigner comme étant la source de toutes les mesures qui sortiront du gouvernement… Cela va à l’encontre de la sagesse de la Vè République, sagesse qui avait opéré une dissociation protectrice. Il n’y a plus de fusible désormais. Mais après tout, pourquoi pas ?
(…)
Nous assistons depuis récemment à une avalanche de décisions incroyables qui auraient pu provoquer un grand éclat de rire selon moi. Je ne résiste pas à vous en citer quelques-unes, comme celle de L’Oréal de supprimer les mots « blanc », « clair », « éclaircissant » de ses produits… ou celle du New York Times d’écrire « Black » avec une majuscule et « white » sans. (…) Il y a 15 ans, même dans les livres de Philippe Muray, on aurait sûrement trouvé cela absurde, et pourtant cela se produit bien. Par quel curieux mécanisme des préoccupations extrêmement minoritaires comme celles-là en viennent à prendre autant d’importance ?
Déjà, la majorité silencieuse est de plus en plus silencieuse et même totalement absente de la sphère de l’opinion. Ensuite, ces opinions ultra-minoritaires reçoivent le concours de ce qu’on peut appeler le parti des médias qui, sans être totalement unanime, est une force de frappe énorme. Enfin il y a une note de culpabilité dans le fond de l’air. C’est très étrange d’ailleurs, dans nos sociétés en apparence hédonistes et libertaires. En Occident, le bobo hédoniste-libertaire-anarchoïdo-rebelle se sent confusément coupable. Je suis frappé par le nombre de gens qui battent bénévolement leur coulpe. Je crains qu’il ne s’agisse d’une rémanence chrétienne, catholique dans le cas de notre pays. On a fauté et il y a quelque chose à expier…
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