Honnête homme tiré à quatre épingles, Marc Fumaroli n’a eu de cesse de s’ériger contre la «gauche culturelle». Il a défendu la littérature du Grand Siècle, revisité les philosophes de Lumières et pourfendu les supercheries de l’art contemporain avec la même rigueur intellectuelle.
Quelque page qu’on ouvre parmi les milliers que compte l’œuvre considérable de Marc Fumaroli, c’est toujours la même majesté d’écriture, la même hauteur de vue, la même fantastique érudition qui se déploient sans la moindre forfanterie. Dans l’un de ses ouvrages les plus délectables, Lire les arts : dans l’Europe d’Ancien Régime, l’immense historien de la littérature, universitaire et membre de l’Institut disparu en 2020, à l’âge de 88 ans, consacre un chapitre aux Lances, ce chef-d’œuvre de Vélasquez (1635) qu’on peut admirer au Prado. La célèbre toile immortalise la reddition de Breda, victoire espagnole sur les Hollandais, sous le règne de Philippe IV. Fumaroli commente à merveille « ce geste, à la fois naturel et sublime [qui] porte l’un vers l’autre l’aristocratique général vainqueur et le chef des troupes vaincues ». Et de célébrer « le secret de ce geste d’abrazzo [« embrassade »] entre les deux héros d’un long siège d’usure, le secret d’une humanitas réapparue comme une éclaircie, après la feritas, la sauvagerie et les horreurs d’une très longue guerre, et qui a fait renouer deux camps ennemis,
