La panthéonisation de Marc Bloch en 2025 sera l’occasion de rendre hommage à cet historien. Sur le plan personnel, il a incarné dignité, solidarité et héroïsme. Sur le plan intellectuel, son livre, L’Étrange défaite constitue un diagnostic réaliste sur l’état de la France à son époque qui vaut toujours pour la nôtre.
Marc Bloch, historien fusillé par la Gestapo en 1944 pour des faits de résistance, sera panthéonisé en 2025. Il a écrit un chef-d’œuvre sans la moindre complaisance, tout de réalisme et d’intelligence, L’Étrange défaite où, venant de la gauche républicaine, il dénonce les élites françaises et le système des partis (voir Jacques de Saint Victor dans Le Figaro).
Alors qu’avec Emmanuel Macron, les panthéonisations – parfois contestables – sont décidées à bride abattue, celle de Marc Bloch offre le singulier mérite d’être approuvée par tous. Tant à cause de son passé héroïque que de la justesse de son diagnostic sur hier, qui vaut pour aujourd’hui et pour demain. Il met en évidence et blâme cette perversion française qui face aux dangers, aux épreuves, a souvent préféré l’aveuglement voire la lâcheté. Tout donc, sauf la lucidité et le courage.
Il n’est pas un passage de cette magnifique analyse de la personnalité, de la pensée et de l’action de Marc Bloch qui ne devrait pas être cité. Mais je vais en retenir deux en raison de l’actualité tragique et politique.
Le premier concerne cette déclaration de Marc Bloch : « Je ne revendique jamais mon origine que dans un cas : en face d’un antisémite ». L’antisémite lui fait rejoindre son appartenance, par dignité et solidarité. Dans le monde d’aujourd’hui où l’antisémitisme augmente, rien ne me paraît plus salubre que d’affirmer hautement la détestation de ce poison et sa volonté de soutenir, autant qu’il est possible, la résistance d’Israël et son droit à une légitime défense, face à des groupes et des pays qui n’aspirent qu’à son éradication. En même temps que doit être reconnue la liberté de pouvoir critiquer, sans indécence, la politique de cette nation, cependant bouclier démocratique et des valeurs occidentales dans un environnement hostile.
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Je me souviens, avec infiniment de modestie, Marc Bloch au tout petit pied, d’un épisode judiciaire où j’avais été nommé chef de la section du droit bancaire au parquet de Paris. Cette promotion qui m’avait permis d’incarner tout ce à quoi je croyais pour le service public de la Justice, avait été vertement stigmatisée par une personnalité, magistrat syndiqué d’extrême droite, au motif que « j’aurais été juif et franc-maçon ». J’ai évidemment, par honneur, revendiqué de l’être, sur la première comme sur la seconde qualité, alors que ce n’était pas le cas, pour l’une comme pour l’autre.
L’autre affirmation de Marc Bloch sur laquelle j’ai envie d’attirer l’attention est celle-ci : « Nous jugeons beaucoup trop. Il est commode de crier « au poteau ». Nous ne comprenons jamais assez ».
À titre personnel je ne m’exonère pas de ce grief. J’ai succombé parfois à ce simplisme vindicatif.
Sur le plan politique, je vois une très forte concordance entre ce que dénonce Marc Bloch et la situation gouvernementale et parlementaire d’aujourd’hui. En effet, il me semble à la fois qu’on ne cherche pas à « comprendre » le Premier ministre François Bayrou et qu’on ne le crédite pas de son obsession à vouloir « comprendre » les autres, aussi éloignés qu’ils soient de lui.
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Le 23 décembre, à la fin de son entretien sur BFM TV, il m’est apparu, non pas résigné mais conscient d’une mission à mener sans que personne d’autre ne la lui envie, tel un Créon assumant ses responsabilités contre toutes les Antigone de pacotille proférant « on ne veut pas de lui » ou « il n’y a qu’à ».
Il est extraordinaire de constater comme il y a des êtres qui échappent au temps. Ils sont rares, ces hommes et ces femmes pour l’éternité. Marc Bloch en est un et lui rendre hommage demain sera nous honorer nous-mêmes puisqu’il est des nôtres mais en sublime.
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