Du bon maniement du remaniement


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Il y a deux ans, j’expliquais pourquoi la logique des institutions de la Ve République et toute son histoire commandaient à François Hollande d’appeler Manuel Valls à Matignon. Pour vous la faire courte, le premier hôte de Matignon d’un mandat  présidentiel est imposé par la situation, et le second est choisi par le Président.

François Hollande a nommé un de ses hommes à Matignon, Jean-Marc Ayrault, sa solution de confort, oubliant cette règle non écrite. Et il vient donc de nommer Manuel Valls comme deuxième chef de gouvernement de son mandat. Il avait pourtant, d’après quelques indiscrétions, choisi un de ses proches, Jean-Yves Le Drian. Ce dernier l’a non seulement éconduit mais lui a fortement conseillé d’offrir la promotion à son collègue de la Place Beauvau. Quelle solutions restait-il à François Hollande ? Garder Ayrault au moins jusqu’en juin ? C’était la solution la plus évidente, tant la rouste du 25 mai aux européennes devrait rapidement faire oublier la dégelée de dimanche aux municipales. Plus facile à dire qu’à faire.

Jean-Marc Ayrault est apparu au soir de la défaite tel un zombie et il ne semblait plus en mesure de continuer sa mission, d’autant qu’une majorité de députés PS promettait une fronde dès mardi en cas de reconduction. Nommer Fabius ou Delanoë ? Ils ne semblaient pas vouloir du poste. Restaient Claude Bartolone voire Arnaud Montebourg, pour calmer l’aile gauche de la majorité. Mais le Président ne pouvait s’y résoudre tant les idées de ces derniers vont à l’encontre de ses projets européens. On y est ! Dans quelques jours, le gouvernement devra présenter son fameux plan d’économie de cinquante milliards à la Commission européenne. Et cette perspective pouvait-elle être mise en musique par ceux qui étaient dépeints il y a peu comme des germanophobes parce qu’ils réclamaient une confrontation avec l’Allemagne ? Assurément non. Dans les circonstances actuelles, c’est la solution Pascal Lamy qui était la plus logique. Issu comme Hollande de la galaxie Delors, il aurait été un relais idéal des préconisations de Bruxelles. Mais un tel accès de franchise aurait aussi relevé de la provocation pour toute l’aile gauche de la majorité, davantage encore que celui qui a été finalement choisi.

Reste donc Manuel Valls. Valls imposé au Président, comme ne l’a jamais été un deuxième chef de gouvernement de mandat, sous la Ve République. Hollande avait été surnommé naguère par les Guignols de l’Info « Monsieur Contretemps ». En mettant cul par dessus tête l’ordonnancement traditionnel de la nomination des hôtes de Matignon, il n’a jamais autant mérité ce sobriquet. D’autant que Valls n’a plus l’image qu’il avait dans le pays à l’automne dernier, alors que les attaques venues de la majorité le renforçaient. L’affaire Dieudonné, ses gesticulations martiales avant la dernière Manif pour tous ainsi que des envolées mal maîtrisées au Palais Bourbon ont passablement entaché sa popularité, notamment au centre et à droite sans le renforcer à la gauche de la gauche. François Hollande a sans doute autre chose en tête. Faire endosser à Valls toute l’impopularité du plan d’économie, après tout, cela peut apporter quelques avantages. Qui sait si Jacques Chirac, au lieu de nommer Dominique de Villepin en 2005, avait promu Nicolas Sarkozy à Matignon ?Le premier aurait pu devenir le candidat de la droite en 2007, le second finissant rincé par deux ans à Matignon, et ne pouvant donc pas faire sa campagne sur « la rupture ». François Hollande a peut-être ce schéma en tête. En levant l’hypothèque Valls, laissant davantage le Premier ministre déterminer et conduire la politique de la nation, comme le commande l’article 20 de la constitution, le Président pourrait-il reprendre de la hauteur et redevenir plus populaire que l’hôte de Matignon, comme au bon vieux temps ? Rien n’est moins sûr. Depuis que ce foutu quinquennat a été mis en place, les courbes de popularité des deux têtes de l’exécutif restent imperturbablement corrélées, chacun attirant l’autre vers le bas, comme deux alpinistes en grande difficulté.

Si François Hollande a fini par se laisser imposer un Premier Ministre, tout en faisant ce calcul misérable et dangereux, cela démontrerait définitivement que « Monsieur Contretemps » a une bien piètre idée de sa fonction.

*Photo : Francois Mori/AP/SIPA. AP21413351_000001.



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