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Manouchian et l’extrême droite: les pieds dans le plat de Résistance

À gauche, durant l'Occupation, il n'y avait pas que Jean Moulin


Manouchian et l’extrême droite: les pieds dans le plat de Résistance
Veillée au Mont Valérien, avant la panthéonisation de Missak Manouchian, Suresnes, 20 février 2024 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Avec l’entrée des Manouchian ce mercredi au Panthéon, le récit d’une extrême droite collabo opposée à une Résistance venue essentiellement de l’autre bord est benoîtement relayé, jusqu’au plus haut sommet de l’État. La réalité historique est tout autre.


« Les forces d’extrême droite seraient inspirées de ne pas être présentes, compte tenu de la nature du combat de Manouchian. » C’est par cette formule lapidaire que le président Macron a commenté dimanche dernier, dans les colonnes de L’Humanité, l’entrée au Panthéon du résistant communiste d’origine arménienne Missak Manouchian. Parce que Vichy et son « travail, famille, patrie », c’est l’extrême droite ? Parce que Jean Moulin, Pierre Brossolette, les Aubrac et consorts viennent de la gauche ? Parce que les communistes incarnent le parti des 75 000 fusillés ? Ou un peu moins si l’on en croit les historiens, qui estiment à environ 4 000 le nombre global de fusillés en France, sous l’Occupation.

Rappels historiques

Les faits étant têtus et parfois déplaisants sur ce sujet clivant, il semble bon d’en rappeler un certain nombre, que l’on pourrait ainsi résumer à grand trait : les premiers à rallier le général de Gaulle à Londres à partir de juin 1940 viennent pour la plupart de l’extrême droite (par patriotisme et par haine de l’Allemagne), les figures marquantes de la collaboration sont bien plus souvent qu’on ne le pense issues de la gauche (par pacifisme ou par opportunisme) et les communistes sont alliés avec les nazis jusqu’en juin 1941, Pacte germano-soviétique oblige !

Commençons par l’extrême droite, concept de plus en plus fumeux par les temps qui courent. De par leurs propos ou leurs prises de positions, les deux figures emblématiques qui se sont opposées à Hitler en Europe, à savoir Winston Churchill et le général de Gaulle, seraient de nos jours rejetées à la droite de l’extrême droite et feraient presque passer Éric Zemmour ou Marine Le Pen pour des gauchistes bien-pensants. Comme le montre notamment l’historien israélien (et de gauche) Simon Epstein dans son passionnant livre Un paradoxe français : Antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance, la France libre à l’été 1940 ne penche pas vraiment à gauche. Et même pas du tout. À l’instar de Daniel Cordier – le futur secrétaire clandestin de Jean Moulin – et du Colonel Rémy, l’homme du 18 juin accueille surtout dans les premières semaines, à Londres, des jeunes militants de l’Action française. Ce ne sont pas les seuls grands résistants à afficher leur sympathie pour Maurras ou Drumont. Emmanuel d’Astier de la Vigerie, qui va fonder le mouvement Libération-Sud puis le journal éponyme, flirte avec l’Action française avant la guerre, la presse collaborationniste ne se privant pas d’exhumer les textes antijuifs du futur compagnon de route du Parti communiste. Le créateur du réseau de renseignement la Confrérie Notre Dame, Louis de la Bardonnie, et Raymond Triboulet, qui s’engage dans l’action clandestine au sein de Ceux de la Résistance, partagent les mêmes affinités « extrême-droitières », tout comme Honoré d’Estienne d’Orves. Fusillé au mont Valérien en août 1941, ce martyr de la Résistance est proche de l’Action française durant ses années lycéennes. Cela suffira d’ailleurs à susciter l’indignation de conseillers régionaux socialistes et de syndicats enseignants d’un autre siècle, qui refusent en octobre 2018 que le département de Loire-Atlantique donne le nom de cet illustre officier de marine au lycée de Carquefou[1].

Le membre fondateur du Conseil national de la Résistance (CNR), Jacques Debû-Bridel, ainsi que des jeunes résistants nommés Pierre Messmer et Pierre de Bénouville sont des anciens Camelots du roi. Paul Dungler est quant à lui un cumulard : ancien dirigeant de l’Action française


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Journaliste. Il a notamment participé au lancement du quotidien 20 Minutes en France début 2002 et a récemment écrit pour Causeur

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