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Manifestation pour Gaza interdite: un remède pire que le mal

La Préfecture de police de Paris a interdit la manifestation de soutien à Gaza prévue demain


Manifestation pour Gaza interdite: un remède pire que le mal
Place de la République à Paris, 13 mai 2021 © SEVGI/SIPA Numéro de reportage : 01019127_000007

Il est difficile de se résoudre à renoncer aux bienfaits et aux tourments de la société libérale.


Sauf décision contraire de la justice administrative, la manifestation parisienne de soutien à Gaza a été interdite par la Préfecture de police. Gérald Darmanin avait invité les préfets à ne pas avoir la main qui tremble s’ils prévoyaient des troubles. Il leur a également demandé d’assurer la « protection des lieux de culte, écoles, centres cultures et commerces de la communauté juive ». Qu’il faille, en 2021, protéger les « commerces de la communauté juive » devrait nous faire bondir. On s’habitue.  

Bien sûr, cette décision fait hurler les bonnes âmes de la France insoumise et de l’islamosphère. Elles seraient plus crédibles dans leurs vertueuses proclamations libérales et démocratiques si celles-ci valaient aussi pour leurs adversaires politiques. Bien entendu, tous ces gens n’ont rien dit quand Génération identitaire a été interdite. La seule liberté qui les intéresse est celle de dénigrer Israël, ce qui est un droit de l’homme d’ailleurs. 

Et pourtant, il y a pas mal de raisons d’interdire ces manifestations ou de les autoriser avec parcimonie, quand des responsables susceptibles d’assumer ce qui se passera sont clairement identifiés. 

Manifestations pro-Hamas

Tout d’abord, cette manifestation pro-Gaza est dans les faits une manifestation pro-Hamas, mouvement que l’on qualifiera parce qu’on est aimable de politico-terroriste – sa politique consistant largement, outre les roquettes déversées sur Israël, à tenir Gaza par la peur et à empocher les milliards de l’aide internationale. Le Hamas est en tout cas l’ami de nos ennemis. 

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Ensuite, comme l’a souligné le ministre de l’Intérieur, le précédent de 2014 incite à la circonspection. De nombreux débordements anti-juifs avaient émaillé le défilé. On se rappelle la tentative d’attaquer une synagogue rue de la Roquette à Paris et les dizaines d’islamistes scandant qu’ils souhaitaient vivement égorger des Juifs. Il est peut-être inutile de tenter leurs successeurs avec un parcours qui longe le quartier du Marais sur plusieurs kilomètres. 

Certes, il serait injuste d’accuser tous les manifestants pro-palestiniens, certains sont assurément sincères et on n’a pas besoin d’être musulman pour s’attrister des morts de civils à Gaza et en Israël. L’ennui, c’est que pour ces militants, seules les victimes des bombes israéliennes sont dignes d’émotion : à ma connaissance, ils ne s’intéressent guère au sort des Ouïghours ou des chrétiens d’Orient. Ce qui les fait marcher, c’est moins la compassion pour la victime que la haine pour le coupable. Rien n’allume autant le regard de Clémentine Autain que la détestation rabique d’Israël. 

Paravent de la haine antijuive

L’antisionisme n’est pas la critique de la politique d’Israël mais le refus de son existence. C’est la position du Hamas, qui est d’ailleurs le meilleur alibi de l’absence de toute proposition de règlement politique de la part du gouvernement israélien. Et c’est, implicitement ou pas, celle de tous ses crypto-soutiens extrême gauchistoïdes en France. Ainsi, la Fédération sociale étudiante (scission de l’UNEF) diffuse une flamboyante affiche où l’on voit un combattant enturbanné dans un keffieh (islamisation du vieux symbole de la lutte nationale palestinienne), accompagné d’un slogan : « La Palestine de la mer au Jourdain ». Au moins c’est clair. 

Or, cet antisionisme est souvent le paravent de la haine antijuive. La preuve c’est que nombre des damnés de la Terre promise ont tendance à incriminer tous les Juifs de la planète pour la politique israélienne. 

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Certes, l’interdiction, si elle est confirmée, n’empêchera sans doute pas la tenue de la manifestation parisienne, l’État régalien étant un gros chat de papier qui n’effraie plus personne à part les braves gens qui filoutent le couvre-feu. Mais elle pourrait permettre à la Justice de sanctionner les fauteurs de troubles. 

Et pourtant, malgré toutes ces excellentes justifications, cette interdiction est un remède pire que le mal. 

Nous ne pouvons pas nous résoudre si facilement à renoncer aux bienfaits et aux tourments de la société libérale. Quoi qu’en pensent les stalino-démocrates de LFI, la liberté d’expression n’a aucun sens si elle ne vaut que pour ceux qui partagent mes idées. On doit pouvoir défendre des opinions qui me choquent, me déplaisent ou me font m’étrangler de rage – sous peine de répondre des abus dans les conditions définies par la loi comme le précise la Déclaration des droits de l’Homme. Et on devrait pouvoir compter sur la police pour protéger tous les citoyens.

Politiquement, il est inutile d’alimenter les fantasmes sur le pouvoir des Juifs qui dirigent le monde et le gouvernement français. 

L’une des conséquences de la liberté, c’est d’exposer les vérités qu’on aimerait cacher. Ces manifestations produisent généralement un effet de vérité et de dévoilement. On verra l’islamo-gauchisme à l’œuvre, les insoumis défiler avec des islamistes et probablement des antisémites affichés. À quelques mois d’une élection majeure, il est bon que, derrière ses proclamations compassionnelles (à géométrie très variable) l’extrême gauche montre son vrai visage.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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