Le sujet qui agite les rédactions ces jours-ci est « la suite ». La suite du mouvement initié par les manifestants contre le mariage homo, dont divers responsables ont annoncé qu’il se prolongerait sur le plan électoral.
J’ai eu l’occasion de le dire, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, à plusieurs reprises ces derniers jours : si ce mouvement est radical, c’est seulement par sa nouveauté et par l’exigence éthique de son engagement. Et c’est pourquoi je suis persuadé qu’il embrassera petit à petit d’autres sujets, plus larges que la famille et le mariage, mais toujours liés à la dignité humaine. Évidemment, je suis bien incapable de dire lesquels aujourd’hui.
Ce qui est sûr, c’est que la continuation de ce mouvement dans une forme électorale s’imposera d’elle-même : si de fait il existe bien des manières de s’engager dans la cité, l’exercice concret des responsabilités locales et le fait d’y accéder par l’élection demeurent les plus proportionnées et les plus directement connectées au bien commun. Et il n’est pas douteux que bon nombre des personnes qui foulent le pavé à répétition ces jours-ci ne se limiteront pas à la pratique de la marche.
Le journaliste du Monde se demandait si les annonces de listes municipales estampillées « La Manif pour tous » devaient susciter une crainte de la part des formations politiques de droite. Bonne question !
Et difficile de répondre. Quelques remarques toutefois.
1/ 97% des parlementaires des groupes UMP de l’Assemblée et du Sénat ont voté contre le mariage homosexuel et l’adoption.
2/ La détermination, le sens de l’engagement, les capacités de mobilisation et d’organisation des responsables locaux de « La Manif pour tous » trouveront naturellement à faire dans les collectivités locales. Et il serait dommage que ces talents ne soient pas directement mis à leur service.
3/ En même temps, La mobilisation continue et tenace pour une grande cause, d’une part, et l’engagement au quotidien au service d’un territoire d’autre part relèvent d’une forme différente d’engagement. Rien de cela ne doit dissuader quiconque de s’engager localement, au contraire : mais chacun doit être conscient de ces différences, et mettre en jeu en conséquence son discernement personnel.
En fin de compte, il reste une incompréhension entre ce mouvement de fond, durable et pacifique, et les partis politiques. Petit à petit, les manifestants contre le mariage homosexuel découvrent dans la pratique les éléments fondamentaux de la politique au quotidien : l’instauration d’un rapport de force, la capacité à faire « bouger les lignes » politiques par la mobilisation de masse, l’utilisation des moyens modernes de communication et la puissance de la « force tranquille » (!). Ils entrent « dans le jeu » sans avoir demandé la permission à quiconque, et avec leurs propres méthodes : insupportable, non ?!…
Les partis de gauche persistent à voir dans cette émergence une protestation fasciste, confondant la détermination et l’exigence avec la violence. Mais la gauche a souvent tendance à considérer comme violemment réactionnaires les mouvements qui ne lisent pas les sociétés comme elle et qui résistent inlassablement à son discours moralisateur, ceci au nom d’une morale qui ne s’enracine pas dans le « sens de l’histoire ».
Les partis de droite tentent de lire cette mobilisation avec le logiciel connu de l’engagement politique institutionnel, pensant qu’un accueil bien organisé pourrait être attractif pour ces calmes agitateurs. Mais aux yeux de ces derniers, les formations de droite sont assez largement discréditées par la priorité qu’elles accordent fréquemment à la gestion et au pragmatisme à l’encontre des symboles, sans compter ce qui est perçu comme une facile mollesse sur de nombreux sujets éthiques.
Si bien que toute interprétation « traditionnelle » de ce mouvement naissant serait hasardeuse, et vaine toute tentative d’annihilation comme de récupération.
Ce mouvement invite avant tout à questionner tant les lignes de force de l’évolution de notre société que nos pratiques institutionnelles de la politique. Au-delà des combats actuels centrés sur le mariage et la famille, il nous demande, collectivement, de travailler à donner une perspective d’espoir, pour ne pas dire d’espérance, aux générations qui arrivent. Il est à la fois le signe d’un échec, et certainement le ferment d’une belle réussite. Pour peu qu’on sache le regarder, l’accueillir et le respecter comme il est. Et lui répondre.
*Photo : -ANFAD-.
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