En 2014, toute la France est au bord de la crise de nerfs. Toute ? Non, une petite manif pour tous – probablement entre 100 000 et 150 000 personnes à Paris et à Lyon, ce qui n’est pas rien – résiste encore et toujours à la violence. La joie venait toujours après la peine, disait le trépané. Et la quiétude après la colère, parfois. Manuel Valls, qui a dû être nommé Premier Ministre dans la nuit sans qu’on nous en avertisse, a apparemment pris acte du rapport de force puisqu’il a déclaré lundi matin, aux aurores, que « le gouvernement s’opposerait à des amendements parlementaires sur la gestation pour autrui et la procréation médicale assistée » lors de l’examen de la loi sur la famille en avril prochain.
En ce sens, la Manif pour tous, après un an et demi de mobilisation, a remporté sa première victoire. Le projet d’expérimentation du genre sur les enfants a lui aussi pris du plomb dans l’aile, après l’étrange organisation par textos du Jour de retrait des enfants de l’école. Pour l’instant, ce ne sont que des mots, et rien n’a été voté dans un sens ni dans l’autre. Cependant, le ministre de l’Intérieur et des cultes, qui est sans doute le plus politique de nos dirigeants , a dû sentir passer le vent du boulet. Après les dieudonneries, où il a manié le bâton avec dextérité, il ne peut prendre le risque de laisser une France entièrement divisée contre elle-même.
Ses déclarations alarmistes dans le JDD de la semaine dernière trahissaient la nervosité certaine de la majorité socialiste qui ayant échoué jusqu’ici partout se retrouve seule, sans peuple sinon la grande famille LGBTI[1. Le I pour « intersexe », désignant les enfants nés sans sexe déterminé, est l’occasion pour le lobby de continuer sa récitation de l’alphabet.]. Alors que l’UMP se déchire sur la question – on notait ainsi l’absence de Jean-François Copé à la Manif pour tous – et qu’au Front national, seule la fine Marion Le Pen a eu l’esprit de défiler, Valls reprend l’initiative et occupe le terrain. Jour de colère ayant eu la bonne idée de fédérer les excités, les fous et les paranos la semaine précédente, les ligne sont désormais plus claires : la Manif pour tous redevient ce qu’elle était, un rassemblement noble, paisible et déterminé de citoyens opposés à la reconstruction idéologique de l’être humain contemporain.
Les fauteurs de troubles se voient ainsi renvoyés chacun à leur camp respectif par ces familles paisibles mues par la recherche du bien commun : d’un côté, les excités de la quéquette et du genre, ces Femen toujours intouchables qui agressent maintenant un archevêque espagnol dans l’indifférence générale, les antifas jamais inquiétés par la police ; de l’autre, les anciens gudards maqués avec les nouveaux négationnistes venus des banlieues, qui font un Goldstein tout à fait acceptable. Et, pendant que les partis politiques ne pensent plus rien et règlent les affaires courantes, au milieu se tient cette coalition de la Manif pour tous dont l’histoire retiendra qu’elle eut l’honneur d’incarner à un moment fatidique cette France lumineuse, réfléchie et humaniste qu’on aime.
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