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MAM veut-elle qu’on censure Zemmour ?


MAM veut-elle qu’on censure Zemmour ?
Affaire Zemmour : Michèle Alliot-Marie écrit au Syndicat de la Magistrature.
Affaire Zemmour : Michèle Alliot-Marie écrit au Syndicat de la Magistrature.
Affaire Zemmour : Michèle Alliot-Marie écrit au Syndicat de la Magistrature.

On la croyait du genre chêne. On finit par se demander si MAM n’est pas plutôt faite sur le modèle roseau. En tout cas, Mme le Garde des Sceaux semble prête à ployer devant le Syndicat de la Magistrature. Fleuron du néogauchisme judiciaire, celui-ci n’avait pas apprécié de voir son idéologie et ses pratiques fortement mises en cause par Eric Zemmour lors de sa chronique matinale sur RTL le 26 janvier 2010. Comme son comparse majoritaire et plus droitier, l’USM – il s’en était ému auprès de la ministre. Dans un courrier adressé à la présidente du SM, Clarisse Taron, dont Causeur s’est, comme on dit, procuré la copie, Michelle Alliot-Marie se joint au chœur des magistrats pleureuses et précise qu’elle a fait part de son indignation au directeur de la rédaction de RTL, « en lui rappelant que la liberté de ton et d’analyse qui caractérisent ce journaliste ne pouvaient cependant pas conduire à tenir des propos d’une part dénués de fondement et d’autre part portant atteinte à l’honneur de magistrats qui ont rendu leurs décisions en stricte application de la loi ».

Tout cela n’a, dira-t-on, aucune importance. On imagine qu’à RTL, la lettre n’a guère dû émouvoir ses destinataires et qu’elle a fort normalement fini au panier. On dira aussi que MAM est autant dans son rôle aujourd’hui en défendant les juges qu’elle l’était hier en défendant les flics et avant-hier les militaires. Sauf qu’au-delà de ces histoires de boutique, on a l’impression que le Garde des Sceaux penche aujourd’hui du côté de ceux pour qui le pouvoir a toujours tort et qui réclament sans cesse plus de laxisme, en matière de délinquance comme de politique migratoire.

Rappelons que Zemmour pointait une certaine propension des juges de la liberté et de la détention à casser systématiquement les arrêtés d’expulsion pris par l’administration à l’encontre des étrangers en situation irrégulière, au nom des droits de la personne que le Léviathan mettrait en danger du seul fait de son existence de monstre froid, insensible à la souffrance des migrants.

On n’ouvrira pas ici le débat sur les contradictions des politiques de l’immigration et la complexité labyrinthique du droit des étrangers. Observons simplement que quoi qu’en disent les contempteurs de l’Etat sécuritaire et xénophobe, notre Etat de droit garantit aux étrangers frappés par un arrêté de reconduite à la frontière un véritable arsenal de recours. Qu’il soit permis ici de s’en réjouir et de trouver d’autant plus horripilante la posture d’indignation professionnelle arborée par certaines belles âmes appointées sur les ondes du service public qui peuvent dénoncer sans crainte d’embastillement, et cela en dépit du climat liberticide qui sévit depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, le néopétainisme de Besson et autres Brice Hortefeux.

En matière d’expulsions, il est difficile de nier les effets pervers de la politique du chiffre. Elle met sous pression les services policiers et administratifs concernés, d’où le nombre grandissant de procédures mal ficelées. Reste que Zemmour a raison quand il affirme que la ligne de conduite de certains juges résulte davantage d’un engagement idéologique que du simple respect tatillon du droit. Ce corporatisme de gauche consiste à se draper confortablement dans la vertueuse robe de juge, symbole de dignité et de discernement, pour pilonner l’Etat supposément subordonné aux caprices du pouvoir.

D’un côté le juge des libertés garant des droits subjectifs, de l’autre une administration préfectorale et des services de police coercitifs et insensibles aux drames humains, avec leur cortège de fonctionnaires zélés mettant en œuvre la traque, voire les rafles, des « sans-papiers » : ce raccourci caricatural tient lieu de toute pensée sur le sujet, depuis la pétition des cinéastes de 1996 et les manifs où de dérisoires protestataires n’hésitaient pas à porter des étoiles jaunes pour dénoncer la prétendue similitude entre l’Etat républicain et celui de Vichy.

N’en doutons pas, ce scénario qui oppose le juge garant des libertés individuelles et le policier qui serait leur fossoyeur est tout prêt à resservir dans le débat sur les gardes à vue. Or, la Garde des Sceaux milite pour une réforme qui convienne aux sirènes droit-de-l’hommistes qui, si elle est adoptée, ne pourra qu’entraver le travail de la police.

On notera que ces amoureux des libertés individuelles n’hésitent pas à demander à la Garde des Sceaux de prendre des sanctions contre le vilain petit mouton noir nommé Zemmour. Et que fait MAM ? Elle souscrit à leur effroi suscité par cette mise en cause, elle apporte son soutien aux magistrats blessés par une parole de citoyen libre. En un mot, elle pactise avec ceux qui représentent un obstacle évident à toute réforme de la procédure pénale, qui constitue pourtant l’objectif qui lui a été assigné par l’Elysée.

Quel contraste entre cette mollassonnerie et l’image martiale d’une garde des Sceaux venus remettre un peu de rigueur au sein d’une Chancellerie désorientée par les caprices de la très glamour Rachida ! Le gaullisme dont elle se réclame doit être, comme elle le dit, très rénové pour inspirer pareille flexibilité face à une organisation syndicale qui semble polariser le débat au sein du Ministère de la Justice. C’est un peu comme si le Président de la République devait demander à Henri Guaino de tenir compte des derniers commentaires d’Olivier Besancenot pour écrire un discours sur le partage de la valeur ajoutée.

Dans la même registre, MAM s’est lancée depuis quelques semaines dans une regrettable surenchère polémique à l’endroit de Brice Hortefeux Ministre de l’Intérieur qui paie sans doute ainsi le fait d’être un ami du Président et l’hôte de cette Place Beauvau qu’elle ne voulait pas quitter : un jour, telle une austère surveillante générale, elle lui dispense des conseils sur la manière d’éradiquer le hooliganisme, un autre elle fait état de son scepticisme quant à l’aggravation des sanctions pénales dans le cas de crimes contre des personnes âgées et vulnérables. Du reste Hortefeux l’a finement renvoyée dans ses cordes, en constatant avec regret le manque de sérieux de son cabinet puisque cette proposition avait été votée par la commission des lois à l’Assemblée nationale.

Comment faut-il comprendre cette souplesse face au gauchisme judiciaire et cette dureté face au sarkozysme ? L’explication est très éloignée des principes et plus proche des cuisines, aux senteurs électoralistes et politiciennes dans la droite ligne de la IVe. MAM entend être la seule à incarner la continuité d’un chiraquisme sans Chirac qui n’aurait pas basculé chez Villepin. De ce point de vue, il faut exhumer une séquence de sa biographie politique. Cela se passe à l’approche de l’élection présidentielle de 1995, quand MAM refuse de choisir entre le Premier Ministre de l’époque Edouard Balladur et celui qui fut son mentor politique Jacques Chirac. Il est vrai qu’elle est alors elle-même Ministre de la Jeunesse et des sports du gouvernement conduit par Edouard. Elle tentera alors de faire la passerelle entre balladuriens et chiraquiens. Cette neutralité lui vaudra de voir cette offre de pacification transversale consacrée par l’obtention d’un surnom éponyme.

Tacticienne et femme d’appareil, on ne saurait le lui contester. Mais ces qualités indiscutables ne sont pas les attributs d’une femme d’Etat. Et son style d’autorité un peu revêche masque une plasticité idéologique certaine comme l’a montré l’émouvant exercice de compassion auquel elle s’est livrée à l’endroit du Syndicat de la Magistrature. Faut-il s’attendre à une cogestion du Ministère de la Justice partagée avec le bien nommé SM, comme à l’Education Nationale avec la FSU. En tout cas, elle prend bien soin de ne pas effaroucher coteries et corporatismes surtout quand ils sont bienpensants donc de gauche. Mais peut-être que tout cela ne masque, finalement, qu’une absence de pensée et d’orientation.

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La lettre de Michèle Alliot-Marie au Syndicat de la Magistrature

« Paris, le 28 janvier 2010,
Madame la Présidente,
Vous avez attiré mon attention sur les propos tenus par M. Eric Zemmour sur la radiot RTL le 26 janvier 2010, en déconçant leur caractère outrancier et la mise en cause inacceptable de magistrats, en particulier à la suite des décisions rendues par des juges des libertés et de la détention ayant eu à connaître de la situation d’étrangers en situation irrégulière.
Comme vous, j’ai été choquée par cette mise en cause, et je tiens à exprimer mon soutien aux magistrats directement visés et plus largement à l’ensemble des magistrats qui ont pu légitimement être blessés par ces propos excessifs.
J’ai fait part au directeur de la rédaction de RTL de mon indignation à la suite de ces propos, en lui rappelant que la liberté de ton et d’analyse qui caractérisent ce journaliste ne pouvaient cependant pas conduire à tenir des propos d’une part dénués de fondement et d’autre part portant atteinte à l’honneur de magistrats qui ont rendu leurs décisions en stricte application de la loi.
Je vous prie de croire, Madame la Présidente, à l’assurance de ma considération distinguée.
[et de mon souvenir fidèle et cordial]

Michèle Alliot-Marie »



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