Je n’ai à vrai dire ni sympathie ni antipathie envers Michèle Alliot-Marie. Tout juste une certaine hilarité me saisi-elle lorsque j’entends dire qu’elle incarne le gaullisme historique au sein de l’UMP. Elle a accompagné auprès de Chirac, Juppé et Sarkozy toute la dégaullisation du RPR et, si elle avait plus ou moins résisté lorsqu’il fut décidé que ce dernier serait fondu dans l’UMP, je n’oublie pas qu’elle faisait partie, avec les trois autres personnalités citées plus haut, de ceux qui qualifiaient de ringards, de passéistes tous les gaullistes orthodoxes -c’est-à-dire authentiques – rassemblés il y a vingt ans derrière Charles Pasqua et Philippe Séguin.
Pourtant, je trouve injuste le lynchage dont elle est aujourd’hui victime. Et ce n’est pas seulement parce que j’étais mobilisé par le Chambéry-Sochaux de cette après-midi que je n’ai pas regardé la séance de questions à l’Assemblée où elle a dû, selon toute vraisemblance, être une cible particulièrement facile. Certes, sa phrase d’il y a quelques semaines, à propos de la proposition d’aide au gouvernement tunisien en matière de savoir-faire policier, était particulièrement maladroite, pour ne pas dire idiote. Mais d’abord, on n’imagine pas que MAM ait sorti cette idée de son chapeau. Toute la politique étrangère du gouvernement est décidée à l’Elysée. Ensuite, si tous les ministres auteurs de formules maladroites devaient être vidés séance tenante du gouvernement, une certaine instabilité règnerait en haut lieu.
Demander la démission de la titulaire du Quai d’Orsay à cause de cette histoire d’avion, c’est le pompon. Elle aurait été transportée par un homme d’affaires lié à Ben Ali dans son avion personnel pendant les dernières vacances de Noël ? Convenons qu’il était plutôt difficile de faire des affaires dans la Tunisie des dernières années -2010 compris- sans avoir quelques contacts avec le clan au pouvoir. Tarek Ben Ammar, cinéaste tunisien invité sur tous les plateaux pendant le mois de janvier, reconnaissait qu’il parlait avec l’ancien président très régulièrement. De même, on se souvient que Philippe Séguin, Frédéric Mitterrand et Bertrand Delanoë entretenaient des relations cordiales avec Ben Ali. Demandera-t-on la démission des deux derniers ? Organisera-t-on un contre-colloque pour dire tout le mal que l’on pense aujourd’hui de Séguin alors qu’il y a un mois à peine, le tout-Paris se ruait à l’Assemblée pour le célébrer ?
Et si on se déplaçait quelques centaines de kilomètres à l’ouest de Tunis et qu’on se posait au Maroc… Est-on bien certain que le régime marocain soit globalement préférable à celui qui sévissait en Tunisie ? Lorsque Dominique Strauss-Kahn, BHL et le tout-Paris journalistico-politique coulent des vacances heureuses à La Mamounia, est-on bien sûr qu’ils n’y rencontrent que des opposants furieux au régime ? Peuvent-ils, ceux-ci -parmi lesquels on compte certainement quelques accusateurs de MAM-, fournir un certificat attestant du fait qu’ils n’ont jamais été transportés ou invités à dîner par des dignitaires du régime marocain ? Mohammed VI bénéficie d’une image moins sévère voire plus sexy que Zine el-Abidine Ben Ali. Il n’en reste pas moins que des opposants politiques croupissent dans les geôles marocaines et que les fructueuses relations entre Rabat et Paris ne datent pas de l’arrivée au pouvoir de ce jeune roi si moderne1. Sous Hassan II, les hôtels de luxe marocains recevaient déjà beaucoup d’illustres visiteurs venus des palais nationaux et rédactions parisiens. J’ai même le souvenir de Jacques Delors remercié par « notre ami le Roi » pour avoir accueilli le prince Mohammed en stage à la Commission européenne.
En ce qui me concerne, je ne reproche pas à toutes ces personnalités d’avoir eu des relations avec les gouvernements tunisien ou marocain. Je ne leur reproche pas non plus d’avoir pris des vacances au soleil ni d’y avoir acquis des propriétés. Mais rappelons-nous ce proverbe africain : « Le singe qui monte au cocotier doit avoir le cul propre. »
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