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Malthus, fais-moi peur!


Malthus, fais-moi peur!

Dans un article publié dansLesEchos.fr, Jeffrey D. Sachs, directeur de l’Institut de la Terre à l’université de Columbia, estime que la combinaison de la croissance de la population mondiale et son gigantesque enrichissement au cours des dernières décennies avec le réchauffement climatique risquent d’entrainer une « grave crise politique, économique et sociale ». D’après monsieur Sachs, le pire peut encore être évité si « nous convertissons nos économies à des sources d’énergies renouvelables et à des méthodes de production agricole durable et adoptons une taxation raisonnable des riches ». Bref, si nous confions la gestion de la catastrophe à venir à nos États.

Il faut que je vous raconte une histoire : en 1968, Paul Ehrlich, biologiste américain de l’université de Stanford, publie The Population Bomb. La thèse développée par Ehrlich dans son best-seller est un condensé de pessimisme malthusien : pour lui, la croissance de la population mondiale engendrera des famines massives au cours des années 1970 et 1980. Ehrlich, un petit peu comme monsieur Sachs, en appelle aux gouvernements pour qu’ils mettent en place, le plus vite possible, des politiques coercitives destinées à éviter la catastrophe imminente. Après tout, quoi de plus logique ? Nous vivons dans un monde de ressources limitées et la population mondiale explose : l’idée selon laquelle nous devrions être confrontés à des pénuries de ressources naturelles et donc à une augmentation du prix desdites ressources semble tout ce qu’il y a de plus raisonnable.

En 1980, un professeur d’économie nommé Julian Simon lança un défi au biologiste : il s’agissait de parier sur le prix de 5 matières premières choisies par Ehrlich à la date que celui-ci voudrait. Si, à la date choisie, les prix (ajustés de l’inflation) des ressources naturelles sélectionnées étaient effectivement plus élevé qu’en 1980, l’économiste devait payer la différence et dans le cas contraire, c’est Ehrlich qui devrait payer Simon. Après avoir consulté John Harte et John Holdren, deux physiciens de l’université de Berkeley, Ehrlich accepta le pari et, le 29 septembre 1980, misa 1 000 dollars sur la croissance des prix du cuivre, du chrome, du nickel, de l’étain et du tungstène au cours de la décennie à venir.

De 1980 à 1990, la population mondiale augmenta de 800 millions d’individus, la plus forte augmentation jamais observée jusque-là, mais le 29 septembre 1990 – quand le pari arriva à son terme – les prix des cinq métaux sélectionnés par Ehrlich avaient baissé – tous, sans aucune exception. Ehrlich avait perdu son pari et – rendons lui cet honneur – honora son contrat en postant un chèque de $576.07 dollars à l’ordre de Simon. Il refusa en revanche de renouveler le pari.

Les thèses malthusiennes ont toujours eut cette particularité que de faire vendre énormément de livres et de rendre leurs auteurs célèbres tout en se révélant fausses a posteriori. Habituellement défendues par des biologistes, physiciens ou autres géologues parfaitement compétents dans leurs domaines respectifs mais qui ignorent tout du fonctionnement d’une économie, leurs prédictions apocalyptiques ont toujours été démenties par deux mécanismes très simples qui se mettent naturellement en branle quand une ressource se raréfie et que son prix monte : la hausse des cours incite les producteurs à produire plus ou à développer une alternative et les consommateurs à adapter leur consommation. Ce qui est nouveau cette fois, c’est que monsieur Sachs est aussi professeur d’économie.

Plutôt que de nous perdre dans de longues considérations théoriques et d’énumérer la longue liste des prédictions malthusiennes démenties par les faits, je propose un pari dont voici les termes : que monsieur Sachs choisisse cinq matières premières à sa convenance et une date distante d’au moins un an et nous miserons sur l’évolution future du prix de chacune de ces matières. Si, à la date choisie par monsieur Sachs, la valeur ajustée de l’inflation de ce panier a augmenté, je m’engage solennellement à lui payer la différence. Si, au contraire, la valeur du panier sélectionné par monsieur Sachs a diminué, il devra me payer la différence.

Monsieur Sachs, voulez-vous parier avec moi ?



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