Malika Sorel, ancienne membre du Haut Conseil à l’intégration nommée par Nicolas Sarkozy, annonce rejoindre la liste de Jordan Bardella pour les élections européennes, afin de lutter contre la « libanisation » de la France. L’évènement invisibilise le lancement de campagne du LR François-Xavier Bellamy en Seine-Saint-Denis la veille, où s’est rendu notre journaliste. Ce matin, M. Bellamy fustige les débauchages et assure qu’il fera bien plus que 5%. Les places sur sa liste seront âprement négociées.
Il y avait presque un côté « En terre inconnue » à voir les partisans de François-Xavier Bellamy descendre station Front Populaire ce samedi, à Aubervilliers (93). Aux Docks de Paris, complexe moderne à l’esthétique pas complètement déplaisante, s’étaient réunies 3000 personnes, à deux mois et demi du scrutin européen. Bien sûr, on est loin des grands raouts du temps de la splendeur du sarkozysme, mais enfin, la droite républicaine était bien décidée à montrer ce qui lui reste de ses griffes.
Céline Imart n’a pas respecté les consignes de François Fillon
Dans les premières rangées, on retrouvait les classiques et les caciques. Nadine Morano, Brice Hortefeux, Laurent Wauquiez, Roger Karoutchi. Seule la chaise de Rachida Dati était vide, et pour cause… Le parti a cependant décidé de renouveler ses têtes d’affiche, en choisissant les numéros 2 et 3 de la liste parmi la société civile et l’armée. Numéro 2 : Céline Imart, 41 ans, a repris la ferme familiale dans le Tarn. A la tribune, elle affirme : « Je suis fière plus que jamais de n’avoir jamais voté pour Emmanuel Macron, ni en 2017, ni en 2022 ». Ah cette jeunesse : déjà un irrespect des consignes de vote du parti ! En numéro 3, puisque la politique est la continuation de la guerre par d’autres moyens, le général Christophe Gomart se lance aussi dans la bataille. Pour l’Ukraine, il nous annonce la couleur : « Moins de mots, plus de munitions ». Mais les orateurs du jour ont malgré tout tiré à boulets rouges sur la récente échappée en solitaire du président Macron dans l’affaire russo-ukrainienne.
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C’est au tour de François-Xavier Bellamy. Présenté à son apparition dans le jeu politique comme un professeur de philosophie échappé de sa bibliothèque, l’ancien élève de l’ENS compte bien jouer de son décalage avec l’air du temps pour se trouver un espace. Pas question de vouloir avoir l’air moins sérieux, de parler d’autre chose que de son bilan en cinq années au parlement. Il nous assure qu’il ne s’adonnera pas au commentaire politicien, mais dézingue quand même Valérie Hayer (tête de liste « Renaissance ») et même François Hollande, épouvantail toujours efficace dans les meetings à droite. L’air de rien, il appellerait presque ses électeurs à tout casser : « J’ai tant de visages à l’esprit aujourd’hui. Ceux de cette France courage, qui ne plie pas. Qui ne la ramène pas. C’est peut-être d’ailleurs son seul, son grand tort : ne pas tout casser quand elle n’est pas d’accord ». Bellamy, bel esprit, cite Max Weber, et même Guy Debord. « Toute la vie de cette société s’annonce comme une immense accumulation de spectacles. Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation ». Un peu plus, et il ajoutait, au sujet de la photo du président-boxeur : « Le spectacle est le capital à un tel degré d’accumulation qu’il devient image ». « En vingt ans, le parti est passé de Doc Gynéco à l’Internationale Situationniste », nous glisse Marine Castro, militante LR de la première heure, capable de regarder avec amusement l’évolution de son parti. Ce qu’il a perdu en électeurs, il l’a gagné en profondeur. En tout cas avec Bellamy.
Pendant que LR tape sur la macronie…
On fait un dernier tour parmi les premiers rangs en se demandant quand même si un ou deux futurs ministres de Gabriel Attal ne se sont pas glissés parmi nous. Si le parti est coincé dans un étroit couloir entre le centre et la droite de la droite, les militants valident le choix de Bellamy de s’en prendre surtout à la macronie. « On a plus de chance de récupérer nos voix chez Macron que chez Le Pen ».
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La campagne de Bellamy semblait donc lancée, et puis, patatras ; en annonçant le ralliement de Malika Sorel, jadis membre du Haut Conseil à l’Intégration nommée en 2009 par Nicolas Sarkozy, le Rassemblement national réalisait le gros coup du week-end1, tirant toute la couverture sur lui-même, et n’en laissant pas pour les autres.
- https://www.lefigaro.fr/elections/europeennes/malika-sorel-rejoint-jordan-bardella-je-souhaite-participer-a-la-recomposition-francaise-20240324 ↩︎
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