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Aider le Mali, pas ceux qui l’ont détruit !


Aider le Mali, pas ceux qui l’ont détruit !

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Si les élections législatives et présidentielle ont bien lieu, comme prévu, au Mali les 7 et 21 juillet, la France pourra légitimement se féliciter du rôle qu’elle aura joué dans ce processus en libérant les grandes villes du Nord de la coupe des islamistes qui les terrorisaient.
Pourtant, le plus dur reste à faire : il faut maintenant déloger les fous de Dieu des montagnes de la région de Kidal où ils se sont réfugiés, sécuriser les villes et les campagnes, accompagner le retour des réfugiés et des déplacés, enfin aider le pays à se reconstruire. Vaste programme pour lequel le Mali aura besoin d’autres soutiens que celui de la seule France. Organiser des élections dans un pays divisé, où l’insécurité règne encore dans de vastes régions, est indispensable pour que le Mali prouve le retour de sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire, mais ne sera pas chose aisée. Car les autorités maliennes et leurs forces armées sont aujourd’hui exclues d’une région entière du pays par un mouvement indépendantiste, autoproclamé « libérateur » du Nord. Et cela avec la bénédiction, sinon la complicité, de la France.[access capability= »lire_inedits »]
Rappel historique : les régions de Gao, Tombouctou et Kidal sont une mosaïque de diverses populations interdépendantes les unes des autres. Arabes, Touareg, Peul, Songhay vivent ensemble, pas toujours pacifiquement, sur le même territoire depuis des siècles. En 1958, une partie des chefs et des notables touareg avait écrit au général de Gaulle  (« Sa Majesté Monsieur le Président de la République française ») pour refuser toute idée d’indépendance et, surtout, toute perspective de destin commun avec les populations noires, majoritaires dans le Sud du pays, comme dans le Nord d’ailleurs. La question était clairement posée en termes ethniques, cette lettre affirmant leur refus d’être gouvernés « par une majorité noire dont l’éthique, les intérêts et les aspirations ne sont pas mêmes que les [leurs]» et leur désir d’être intégrés « au Sahara Français dont [ils font] partie historiquement et ethniquement ».
Depuis 1963, une partie des Touareg affronte régulièrement les forces de Bamako pour obtenir l’autonomie de l’Azawad, nom qu’ils ont donné au Nord du Mali et qui ne correspond à aucune réalité géographique, sociale ou historique. De « pacte national » en « cérémonie de la flamme de la paix », les négociations, désarmements, accords violés par l’une ou l’autre partie se sont succédé sans jamais régler la question.
Tout change en octobre 2011 avec la création du MNLA − le Mouvement national de libération de l’Azawad − né de la fusion de trois principales forces : les rebelles historiques du MNA, le Mouvement national de l’Azawad d’Ibrahim ag Bahanga, disparu quelques mois plus tôt ; une poignée d’intellectuels actifs en France et en Suisse ; et des centaines de combattants revenus de Libye avec armes et bagages sous la direction du colonel Mohamed ag Najim. La France croit alors naïvement que le MNLA peut régler le problème d’AQMI en boutant les islamistes hors du désert. Las, la marionnette échappe aux mains de ses créateurs et, au lieu de s’en prendre aux narcoterroristes algériens, décide de s’attaquer au Mali. Pour la première fois, les rebelles réclament l’indépendance et non plus l’autonomie : le rapport de force leur est d’apparence favorable, puisqu’ils bénéficient d’un armement conséquent et de guerriers aguerris et motivés pour affronter une armée malienne en pleine déliquescence. Les 17 et 18 janvier 2012, ils attaquent Menaka, Aguelhok et Tessalit, avec l’aide des salafistes touareg du mouvement Ansar Dine d’Iyad ag Ghali. Bientôt, en compagnie d’AQMI et du Mujao − Mouvement pour l’unicité du djihad en Afrique de l’Ouest −, ils prennent progressivement le contrôle du Nord du pays. Et le 6 avril, le MNLA proclame fièrement l’indépendance de l’Azawad. En réalité, il a seulement ouvert la boîte de Pandore, et sera rapidement évincé par ses encombrants alliés. Le 28 juin, il est ainsi chassé de Gao par le Mujao, au grand soulagement, d’ailleurs, de la population locale, victime de ses crimes, viols et exactions en tous genres.
Aujourd’hui, profitant de la fuite des islamistes devant la fulgurante avancée des troupes françaises, le MNLA affirme avoir libéré Kidal et assure coordonner ses activités avec celles de l’opération « Serval ». Mieux, avec la bénédiction de Paris, il prétend interdire l’accès de la région à l’armée malienne. De qui se moque-t-on ?
En vérité, le MNLA ne pèse rien. Ses hommes, qui se sont fait tailler en pièces à chaque fois qu’ils ont été opposés aux islamistes, seraient encore incapables, aujourd’hui, des les extirper des montagnes de Kidal. Il n’a en fait aucune légitimité pour parler au nom des populations du Nord du Mali : c’est lui qui a déclenché les hostilités dans la région, massacré des dizaines de soldats maliens à Aguelhok, le 24 janvier, s’est allié avec les islamistes d’Ansar Dine avant de se raviser, et n’a en rien renoncé à l’indépendance, comme le déclarait encore, le 6 février, Mossa ag Attaher à Charlie Hebdo. Cela en fait-il aujourd’hui un interlocuteur à privilégier à la table des négociations ?
La France doit clarifier sa position. L’intervention française a été unanimement célébrée par la population malienne, comme l’a montré l’accueil enthousiaste réservé à François Hollande à Tombouctou et à Bamako. Mais il appartiendra ensuite aux Maliens seuls de définir les termes du règlement de la question du Nord du pays. En soutenant complaisamment l’irrédentisme d’un mouvement armé capable de toutes les alliances et de toutes les compromissions, la France bafouerait la souveraineté du Mali, s’immiscerait dans les problèmes intérieurs d’un État ami et se mettrait à dos une population qui ne demande qu’à l’aimer. Le « plus beau jour » de la vie politique de François Hollande aurait alors engendré un cauchemar.[/access]

*Photo : Magharebia.

Mars 2013 . N°57

Article extrait du Magazine Causeur



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enseigne l’histoire de l’Afrique à Aix-Marseille-Université et est chercheur au Centre d’Etudes des Mondes Africains (CEMAf-Aix). Il est l’auteur de <em>L’Afrique soudanaise au Moyen Âge. Le temps des grands empires (Ghana, Mali, Songhaï), </em>Marseille, SCEREN, 2010.

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