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La guerre au Mali n’est pas notre Vietnam


La guerre au Mali n’est pas notre Vietnam

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Il faut se faire une raison : la guerre chevaleresque, celle où les  protagonistes se combattent sans merci, mais avec respect mutuel, fait désormais partie des légendes historiques illustrées par des œuvres littéraires grandioses mais surannées. La guerre ne fut jamais uniquement une affaire de gentlemen, pas plus que le simple affrontement d’ignobles salopards. Il y eut des hommes d’honneur dans la Wehrmacht nazie, et des pillards, violeurs et assassins dans les armées alliées. À la symétrie des forces correspondait une équivalence de la qualité morale d’ensemble des forces engagées (cela ne vaut pas, bien sûr, pour les hauts responsables politiques et militaires).

Dans nos modernes guerres, dites asymétriques, où des Etats développés et technologiquement avancés affrontent des entités non-étatiques ne disposant que d’un armement primitif, voire artisanal, il en va tout autrement. Le « faible » ne cherche pas à vaincre militairement l’adversaire, mais à ôter au « fort » la légitimité politique et morale de poursuivre son combat. Cette stratégie avait déjà été celle qui permit au général nord-Vietnamien Vo Nguyen Giap de venir à bout de la super-puissance américaine en 1975 : les offensives nord-vietnamiennes de la fin de la guerre, très coûteuses en vies humaines pour les assaillants, ne visaient pas des objectifs stratégiques majeurs imprenables, mais à tuer le maximum de soldats américains pour démoraliser l’arrière. Le taux des pertes nord-vietnamiennes était dix fois plus élevé que celui de l’US Army, mais cette dernière dut plier bagage en catastrophe, car la société américaine ne supportait plus de voir chaque jour à la télévision des avions remplis de cercueils décharger leur macabre cargaison. C’était la version terrestre de la tactique des kamikazés[1. On ne répétera jamais assez que kamikazé se prononce avec un é ouvert, comme karaté, et que ses objectifs étaient uniquement militaires, à la différence des commandos suicides jihadistes abusivement assimilés aux aviateurs japonais sacrifiés.] utilisée par le Japon au cours de la Seconde Guerre mondiale. Parallèlement, la propagande communiste, relayée par les organisations pacifistes en Occident, se déchaînait pour dénoncer les crimes commis contre la population civile par le corps expéditionnaire US. Bien souvent, ces « crimes de guerres » étaient de la pure et simple invention, ou le résultat de tactique délibérée des militaires nord-vietnamiens d’agresser leurs ennemis à partir de zones densément peuplées.
Mais il s’agissait encore de l’affrontement d’armées dites régulières, et d’Etats rationnels capables de régler un conflit de manière classique (cessez-le-feu, armistice, négociations et traité de paix). Une amnistie générale était régulièrement incluse dans les accords de paix.
L’incrimination systématique de l’ennemi, et son assimilation aux grands criminels politico-militaires du XXe siècle n’était pas encore devenue un élément central de la rhétorique guerrière et une arme décisive dans un champ de bataille mondialisé, où l’opinion publique des pays démocratiques est objet de toutes les sollicitations.

À la différence des guerres post-coloniales, le conflit en cours entre les islamistes radicaux et les démocraties occidentales et leurs alliés n’est pas destiné à trouver une issue classique, comme celle décrite ci-dessus. Les jihadistes de toutes obédiences ne poursuivent aucun autre objectif ultime que l’établissement d’un califat mondial. Ils entendent l’imposer non seulement au Dar al Islam, les terres considérées par eux comme terre d’Islam, mais également au Dar al Harb, le territoire de la guerre, dominé par les infidèles, mais où les minorités musulmanes sont, à leurs yeux, l’avant-garde de l’islamisation future de ces pays. L’irréalisme de ce projet n’empêche pas ceux qui le portent de croire dur comme fer à son avènement inéluctable. Il ne peut donc pas s’établir entre les protagonistes de compromis westphalien assurant, pour un temps indéterminé, la paix et la prospérité des régions concernées.

Du côté occidental, il n’est plus tabou d’affirmer que le but ultime de la guerre est l’éradication (en langage clair, l’anéantissement) des terroristes jihadistes, comme l’a déclaré Jean-Yves Le Drian  au début de l’opération Serval au Mali.
Dans cette lutte contre les groupes armés islamistes radicaux, une arme s’est révélée redoutablement efficace depuis sa généralisation en 2008 : les drones dotés de missiles capables d’atteindre un objectif de taille limitée avec une très grande précision (frappes chirurgicales), et dont l’utilisation présente zéro risque pour le militaire chargé de guider l’engin à partir d’une base située en Floride ou au Nevada. Elle a permis l’élimination ciblée de chefs jihadistes au Pakistan, en Somalie et au Yémen, ainsi que d’unités combattantes de talibans en Afghanistan. C’est l’exact inverse de l’arme préférée des terroristes islamiques, l’attentat suicide : elle cible l’ennemi repéré, identifié et lui seul. Elle ne met pas en danger la vie de celui à qui on ordonne de l’utiliser. L’attentat suicide, modèle islamique, tue à coup sûr celui qui le perpètre, vise essentiellement des civils innocents, et exceptionnellement des forces armées ennemies.

La diabolisation de la guerre des drones est donc devenue une priorité des jihadistes, car elle leur cause des dommages considérables. Ils essaient donc de monter en épingle les inévitables « bavures » que même les armes les plus sophistiquées ne peuvent éviter, surtout lorsque les terroristes se terrent à dessein au milieu des populations civiles qui n’en peuvent mais. Chez nous, quelques idiots utiles, modèle Hessel, s’empressent de leur faire écho. L’attentat suicide ? C’est pour ces mêmes imbéciles le dernier recours du dominé désespéré, donc moralement moins condamnable que le drone diaboliquement techno. C’est un point de vue…



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