Trois questions à Malek Boutih, ancien député PS, à propos de l’antisémitisme en France.
Causeur. L’antisémitisme est-il une réalité aujourd’hui en France ?
Malek Boutih. Les juifs ne sont pas en sécurité. Il y a une confusion dans les statistiques du fait qu’elles ne prennent pas en compte la crainte dans laquelle vivent les juifs, les menaces proférées contre eux, du fait aussi qu’ils doivent, dans leurs synagogues ou leurs écoles, vivre avec un important dispositif militaire et policier. Les chiffres peuvent donner une vision tronquée de la réalité. Il y a clairement une augmentation non pas des actes, mais des propos antisémites : soit sous forme d’insultes, soit sous le déguisement de l’antisionisme. Que les juifs doivent se faire le plus discret possible – ne pas montrer qu’on porte une kippa par exemple – est en soi révélateur.
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Comment expliquer que l’antisémitisme se répande chez les jeunes musulmans ?
Certains jeunes musulmans sont touchés par le mouvement de radicalisation de leur religion. Pour le radicalisme islamique, l’antisémitisme a une vocation politique. Ceux qui sont vaccinés contre l’antisémitisme sont également vaccinés contre le radicalisme islamique. Ceux-là sont majoritaires, mais on ne les entend pas. On n’entend que les cris d’orfraie de ceux qui s’expriment sur les réseaux sociaux. Il y a une distorsion de la réalité sur Twitter. L’antisémitisme en France est virulent, mais c’est le fait d’une minorité. Nous ne sommes pas dans les années 1930.
Mais comment faire pour combattre cet antisémitisme ?
Le sentiment qui prédomine est qu’il y aurait une sorte de fatalité à l’antisémitisme. Je ne le crois pas. Il faut mener des actions extrêmement fortes, virulentes. L’antisémitisme lié à l’extrême droite a été jugulé grâce à une politique répressive. Aujourd’hui, il n’y a pas de politique répressive contre l’antisémitisme. Cela doit passer par l’éducation. Plus on mènera un travail frontal, en particulier dans les banlieues, plus on aura des résultats. À l’école, il faut de la pédagogie pour contrer le discours familial. Les institutions font preuve de timidité, non qu’elles nient le problème, mais elles peinent à agir. Je suis plutôt optimiste parce que je pense que la République est plus forte que ce que disent les institutions. Il faut moins de minutes de silence et beaucoup plus de plans d’action.