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Mal de mer

La mer est notre miroir et à défaut d’y contempler notre âme, nous y voyons les mois écoulés


Mal de mer
Sur la plage de Saint-Jean-le-Thomas, Albert Bergevin, 1920 © Scriptorial d'Avranches-Editions Ouest-France

La culpabilisation a débarqué sur nos côtes. La mer est désormais considérée comme une victime et l’homme lui doit réparation. Condamnés à l’éco-rédemption, nous sommes « tous éboueurs » et « tous migrants ». Opposons à cette propagande les profondeurs de l’art et les finesses de la littérature.


On aura tout eu. Les innombrables alertes « vagues-submersion » envoyées sur nos téléphones portables pendant les épisodes de tempête et le « pas de vagues » d’une météo scolaire décrétée anticyclonique par l’Éducation nationale, malgré les lames de fond qui ruinent l’École. Les cent cinquante ans des plages normandes impressionnistes (chapeaux de gaze, bains de mer et pêcheurs) et les quatre-vingts ans des plages normandes impressionnantes (casquettes du D-Day pour vétérans américains, reconstitution du Débarquement et bottes de pêcheurs pour journalistes parisiens). Les quotas de visiteurs dans les Calanques marseillaises (le surtourisme est une plaie) et l’absence de quotas de migrants en Méditerranée (l’immigration massive est une chance). La mer aura été, cette année, de toutes les aventures et de toutes les métaphores. « Homme libre, toujours tu chériras la mer ! La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme » : Charles Baudelaire écrivait déjà pour l’homme libre d’aujourd’hui, celui qui chérit la mer et contemple son âme en participant en famille à des chasses aux microdéchets organisées sur les plages.

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Car il faut chérir la mer. Non pas pour sa puissance évocatrice des lointains, ses joies saisonnières ou son odeur d’horizon, ni pour ce qu’elle représente d’explorations, de découvertes ou de lutte périlleuse contre les éléments, mais parce qu’elle est fragile, qualité ultime de ce qui menace de disparaître. Fini « l’infatigable éternité » des mers de Jules Michelet et de Victor Hugo, « le tas de montagnes en fuite » la « poussée de l’ombre contre l’ombre, [le] cloaque de baves ». La mer est aujourd’hui une victime : surexploitation, surfréquentation, surpêche, surchauffe. Nous lui devons réparation. Fini aussi la mer de Roland, Manu et Lætitia, les aventuriers


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Été 2024 - Causeur #125

Article extrait du Magazine Causeur




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Georgia Ray est normalienne et professeur (sans -e).

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