Présidentielle américaine. Le ralliement de Robert F. Kennedy Junior en faveur de Donald Trump peut-il permettre au candidat républicain de rebondir? Il est le neveu de John Fitzgerald Kennedy, 35e président des États-Unis (1961-1963). Portrait et analyse.
Après près d’un an d’une course solitaire qui l’a vu se froisser avec les membres de sa famille et ses anciens camarades démocrates, Robert F. Kennedy Jr. renonce à l’élection présidentielle en ralliant Donald Trump. Ce désistement au profit du candidat républicain et son opposition frontale à Kamala Harris bénéficierait à Donald Trump, mais uniquement sous certaines conditions…
Kennedy, première victime de la Kamala-mania !
Dans un premier temps impliqué dans la primaire démocrate face à Joe Biden, Robert Kennedy a décidé de se présenter en tant que candidat indépendant l’année dernière. Sa campagne, soutenue par certains grands donateurs conservateurs, avait démarré avec la promesse de renverser le statuquo et de sortir du bipartisme.
Ses thèmes de campagne n’ont pas été consensuels, avec notamment la défiance à l’encontre des institutions, ou le scepticisme envers la vaccination. Cette campagne n’a jamais réussi à gagner en importance dans l’opinion publique américaine, mais RFK est crédité d’une base solide et hétérogène évaluée à 4% de l’électorat, 50% en provenance des Républicains séduits par son discours sur les libertés publiques et fondamentales, et 50% en provenance des Démocrates séduits par son discours sur les services publics et l’environnement.
Robert F. Kennedy est la première victime de la Kamala-mania.
D’une part, Kamala Harris a immédiatement réduit son socle électoral. Si ce dernier dispose toujours d’un socle à 4% du vote populaire, il était crédité de 8% du vote populaire… avant le retrait de Joe Biden. En effet, issu de la plus grande famille démocrate des États-Unis, RFK avait réussi à attirer une partie de l’électorat démocrate déçu par Joe Biden et se cherchant une nouvelle incarnation… Seulement, Kamala Harris a réussi à ramener vers elle cet électorat. D’autre part, l’attraction de Kamala Harris a également attiré des éventuels nouveaux soutiens financiers. Or, Robert F. Kennedy manquait de moyens financiers. En tant qu’indépendant, ses ressources limitées ont été principalement utilisées pour tenter de s’inscrire dans un maximum d’États ou de se défendre face aux différentes actions intentées contre sa campagne. Ce manque de fonds a empêché Kennedy de faire campagne correctement et d’organiser de grandes réunions publiques comme ses concurrents, hypothéquant ses chances de bien figurer lors de l’élection de novembre puisqu’il n’a pas pu remplir son utilité de vote : offrir à tous les Américains une alternative viable au bipartisme.
Le choix de soutenir Trump
Le ralliement de Robert Kennedy Jr en faveur de Donald Trump n’avait rien d’évident. Issu du parti démocrate, il a bien tenté de se rapprocher dans un premier temps de la campagne de Kamala Harris. Surtout, RFK dispose de plusieurs points de divergence avec Donald Trump. D’un côté, sur la forme, il s’est souvent opposé à l’establishment républicain par le passé, y compris sous l’administration Trump. De l’autre, sur le fond, les deux divergent sur de nombreux points structurants comme l’écologie où RFK reste proche des positions démocrates, lorsque Donald Trump voit les différents plans de l’administration Biden, comme l’IRA[1], comme des « Green Scams » (escroqueries vertes) !
Ce ralliement n’est pas partagé par toute son équipe ainsi que par ses proches. En effet, plusieurs de ses soutiens souhaitent continuer le combat et implanter durablement une troisième force politique aux États-Unis comme sa colistière, Nicole Shanahan. Leur objectif est de maintenir ce qui fonde l’utilité du mouvement, à savoir la fin du bipartisme aux États-Unis. Ainsi, Robert F. Kennedy peut donner l’impression d’avoir joué son avenir personnel plutôt que ce projet collectif… À ce titre, il se pourrait qu’il obtienne une place dans l’administration, telle que le poste de procureur général, comme son père dans les années 1960.
Un ralliement utile, mais sous conditions
Le ralliement de Robert F. Kennedy présente un intérêt électoral certain pour Donald Trump.
Son retrait pourrait directement lui bénéficier, notamment en faisant revenir à la maison certains électeurs Républicains proches de la base de Trump, voire une partie d’anciens démocrates profondément déçus par le bilan de l’administration Biden. Même un très léger regain dans les sondages (+0,5 point) emporterait deux conséquences favorables pour Donald Trump. D’une part, ce report pourrait se montrer capital au niveau du vote populaire, sachant que Kamala Harris ne dispose que d’une avance modérée dans les sondages (+2 points), lorsque les dernières élections présidentielles américaines montrent que les Démocrates ne peuvent pas l’emporter avec une si faible avance au niveau du vote populaire compte tenu du fait que l’élection se joue au niveau des États (on se souvient de l’exemple d’Hillary Clinton). D’autre part, ce report sera précieux dans certains swings states, où l’écart entre Trump et Harris est faible selon les dernières enquêtes d’opinion (moins de 1 point, et où la décision finale se jouera à quelques milliers de voix). Ainsi, la campagne de Trump pourrait être relancée après avoir été éclipsée par celle de Harris depuis plusieurs semaines.
En revanche, ce ralliement pourrait aussi présenter des désagréments pour le milliardaire investi par les Républicains. Ainsi, pour être pleinement favorable à Donald Trump, ce ralliement doit répondre à trois conditions.
1) En premier lieu, ce ralliement de RFK ne doit pas constituer un front populiste qui pourra sur-mobiliser l’électorat démocrate et surtout faire pencher vers Harris les indécis et indépendants effrayés par les discours anti-institutions et anti-vaccination de RFK.
2) De plus, il ne doit pas éclipser les autres soutiens majeurs obtenus par Donald Trump. En effet, ce dernier a cherché durant toute la campagne de se donner une image professionnelle sur de nombreux points, notamment concernant l’économie en s’attirant les bonnes faveurs d’Elon Musk et selon certaines rumeurs de Jamie Dimon, PDG de la Banque J.P. Morgan.
3) Enfin, Donald Trump doit éviter que les électeurs de RFK séduits par son anticonformisme et sa voie originale et indépendante ne se tournent finalement vers… l’abstention. Car sinon, le milliardaire obtiendrait tous les désagréments du ralliement de RFK sans en obtenir les avantages !
En définitive, les implications du retrait de Robert F. Kennedy Jr. ne sont pas claires pour le moment, et il faudra attendre quelques jours pour en connaitre les conséquences directes, positives ou négatives, alors que la campagne présidentielle est déjà marquée par une forte volatilité.
[1] L’Inflation Reduction Act est une loi américaine sur la réduction de l’inflation promulguée le 16 août 2022. L’IRA mobilise sur dix ans 369 milliards de dollars pour soutenir l’industrie verte.