En ce dimanche 17 juin 2012, la majorité des Français avait d’autres choses en tête que la politique. La proximité du solstice d’été et l’approche des vacances s’accompagnent de rituels mobilisant d’autres énergies que les passions politiciennes. Dans la plupart des établissements scolaires, c’est le temps des fêtes de fin d’année qui mobilisent enseignants et parents d’élèves. C’est celui des pots de départ de collègues admis, les veinards, à faire valoir leurs droits à la retraite. Il est inconvenant, lors des libations afférentes, de pourrir l’ambiance par des propos, fussent-ils de comptoir, relatifs aux élections. C’est le temps, aussi, de la revue de détail des accessoires de vacances réussies : une bagnole en état de supporter les embouteillages sous le cagnard, des palmes, masques et tubas nouvelle génération, voilà qui ne supporte ni l’improvisation, ni la médiocrité.
Hommage soit donc rendu aux 56% d’électeurs qui ont tout de même consenti à se rendre dans leur bureau de vote, un taux historiquement bas pour des élections législatives.[access capability= »lire_inedits »] Tourner la page, au propre comme au figuré, est un geste simple et rapide qui supporte mal la répétition. L’affaire était entendue depuis le 6 mai, la page Sarkozy avait été tournée, et les six semaines séparant l’élection du président de celles de députés n’ont pas été propices à la qualité du débat démocratique : le nouveau gouvernement, dans l’incapacité d’agir réellement faute d’Assemblée nationale, fait ce qu’il peut : éviter les faux pas, et maîtriser sa com’ pour ne pas s’emmêler les pinceaux aux législatives. Avec quelques bonnes grosses annonces démagogiques, comme la baisse des salaires présidentiel et ministériels, et quatre jours de rab de vacances à la Toussaint, on fait tourner la machine médiatique dans le bon sens. De cet entre-deux, ne restera quelque temps dans les mémoires que le fameux twit de Valérie Trierweiler, commenté sur trois pages du Monde, ce qui dit à peu près tout de notre époque. Il faut urgemment entamer une réflexion sur le calendrier électoral. Le différentiel de légitimité entre un président de la République élu avec une participation de 80% et celles de députés n’ayant mobilisé que moins que 60% des électeurs n’est pas de nature à renforcer le rôle du Parlement de notre monarchie élective. Cela est d’autant plus nécessaire que l’instauration de primaires ouvertes par le PS, qui devrait être imité par l’UMP en 2017, allonge de quelques mois la séquence politique centrée sur l’élection présidentielle. Trop de politique finit par tuer la politique.
Il était donc grand temps que cela s’arrête. D’ailleurs, on a pu remarquer, lors de cette soirée électorale dans les médias, combien les bêtes de plateau habituelles étaient lasses, assurant le service minimum d’euphorie victorieuse pour les uns, de dignité dans la défaite pour les autres. À la question « Qu’allez-vous faire, maintenant ? », Jean-Luc Mélenchon répondit : « Ben, partir en vacances ! », avouant ainsi tout haut ce que la plupart des nouveaux élus s’apprêtent à faire, à l’exception des membres du gouvernement, bien fait pour eux !
Dans ce contexte, la pathétique intervention de Ségolène Royal, écrabouillée à La Rochelle par le « dissident » Falorni, et la saillie de Gilbert Collard, élu FN dans le Gard (« Je serai un casse-couilles démocratique !») sont tombés complètement à plat. Comme la prestation d’un acteur qui viendrait quérir la faveur du public pendant que l’on démonte le décor.
La majorité des Français ayant choisi François Hollande comme président, il était donc logique qu’ils lui offrent une majorité « hollandaise ». Ils l’ont fait sans états d’âme, ce qui explique le piètre résultat du Front de Gauche et la déperdition subie par les Verts au regard des espérances nourries par l’accord électoral négocié avec Martine Aubry. Ils ne sont que 17 à la Chambre, alors qu’on leur avait attribué une trentaine de circonscriptions réputées « gagnables ». La prestation d’Eva Joly lors de l’élection présidentielle et le comportement erratique des élus EELV dans les assemblées régionales où ils gouvernent avec le PS ont largement contribué à ce demi-échec législatif. Par ailleurs, la comète Mélenchon, bateleur de talent mais médiocre stratège politique, n’aura pas sorti le PC de l’unité de soins palliatifs qui abrite les derniers survivants de la geste stalinienne.
De cela, il faut bien sûr se réjouir : la France politique a un patron, qui n’est pas soumis quotidiennement aux pressions de ses « amis », et peut ainsi consacrer son énergie à faire face à Angela Merkel, aux marchés financiers, aux Chinois, aux menaces venues du Proche et Moyen-Orient, aux sollicitations de BHL et à bien d’autres problèmes qui ne manqueront pas de surgir au cours de son quinquennat.
Que fera-t-il de cette conjoncture politique apparemment idéale : Assemblée, Sénat, régions, départements, grandes villes dominés par la gauche ? Il a su, jusque-là montrer son habileté politique, connue depuis son passage à la tête du PS, et ses premiers pas présidentiels ont révélé un homme qui ne craint pas l’affrontement, notamment avec la chancelière allemande, qu’il défie ouvertement en recevant solennellement à l’Élysée une délégation du SPD. Il y a là une vraie rupture avec l’alignement de son prédécesseur sur la vision allemande de l’Europe, mais le terrain est dangereux. Le tout n’est pas d’avoir raison, encore faut-il avoir les moyens d’imposer cette raison à ceux qui ne la partagent pas.
Haute-Savoie : à droite toute, comme d’hab’ !
La Haute-Savoie, berceau de l’horlogerie française en dépit des prétentions franc-comtoises à ce titre, vit à l’heure qui lui plaît. La France passe à gauche ? « Tout le monde y peut pas être de gauche, y en faut bien qui soyent de droite ! » Telle est la réponse du Haut-Savoyard bien décidé à n’en faire qu’à sa tête. En réalité, il n’y avait aucun suspense pour les députés sortants UMP, que la vague rose à simplement privés de leur élection au premier tour.
Tous les regards étaient tournés vers la nouvelle circonscription, la sixième, qui a le privilège de culminer à 4810 mètres, au sommet du mont Blanc. En l’absence de sortant sollicitant un nouveau mandat, ce territoire fortement ancré à droite (Nicolas Sarkozy y a recueilli près de 60% des voix au le 6 mai) était le champ d’une bataille féroce au sein de la droite. La candidate investie par l’UMP, Sophie Dion, ancienne conseillère de Sarkozy pour les sports, devait faire face à trois notables locaux bien décidés à faire mordre la poussière à l’intruse.
Un seul dissident y serait sans doute parvenu, comme Falorni à la Rochelle, mais avec trois postulants, c’était mission impossible. Soutenue par le patron de la droite locale, Bernard Accoyer, Mme Dion a déjoué les embûches placées sur son chemin par Martial Saddier, ennemi intime du président de l’Assemblée nationale sortante. Alors que l’on craignait que cette empoignade aboutisse au deuxième tour à un duel entre la candidate de la gauche et l’impétrant du Front national, c’est dans un classique affrontement droite-gauche que Sophie Dion l’a emporté, mettant au tapis la radicale de gauche Marie-France Marcos avec 57% des suffrages. Le mont Rose, c’est en Italie, pas en France…[/access]
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