Je ne prends aucun risque en pariant que Claude Nori a vu et aimé les films d’Alberto Lattuada. Je ne prends aucun risque en imaginant le trouble exquis provoqué chez lui par l’adorable Catherine Spaak dans Les Adolescentes et la non moins adorable Nastassja Kinski dans La Fille. Je ne prends aucun risque en affirmant que notre nihiliste balnéaire préféré, Frédéric Schiffter, partage avec son ami Claude Nori un goût prononcé pour les petites madones de plage, surtout lorsqu’à l’approche du soir, elles regagnent leur pension sur un Ciao ou une Vespa.[access capability= »lire_inedits »]
Proust disait que les jeunes filles n’existent que pour être regardées. Celles de Balbec que le narrateur observait anxieusement sont-elles si différentes de celles que Claude Nori abordait à Rimini ou à Portofino en leur disant : « Il me semble vous avoir déjà rencontrée quelque part » − titre de son premier livre ? Évidemment non.
L’adolescente est une construction métaphysique que les goujats ont pour seul objectif de ramener à une réalité triviale, alors que les esprits délicats la rendent plus sublime encore que les rêves que nous avions mis en elle. Les photos de Claude Nori la saisissent dans leur impermanence, tout en nous engageant à nous plonger dans son mystère en nous initiant à une géométrie du flirt − la seule géométrie qui vaille.
Un mot encore sur Claude Nori. Pendant une année, après une rupture difficile avec une jeune photographe du Colorado, il resta enfermé chez lui en espérant son retour. Il passait ses journées et ses nuits en fixant l’écran noir et blanc de sa télévision et en photographiant les acteurs qui s’embrassaient dans des films d’amour. Y a-t-il meilleur apprentissage ? On doit beaucoup aux femmes qui nous aiment et plus encore à celles qui nous quittent.[/access]
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