Si la réalité dépasse parfois la fiction, c’est que la fiction précède souvent la réalité. La littérature prévoit l’avenir. Cette chronique le prouve.
Commentant la suppression des régimes spéciaux, Sylvain Maillard, député Renaissance, déclare sur LCP : « Pourquoi est-ce qu’on veut supprimer les régimes spéciaux ? Parce qu’ils coûtent 1,8 milliard d’euros aux Français tous les ans. » Cette suppression des régimes spéciaux va néanmoins faire un heureux.
Le commissaire Maigret et son épouse ont vécu assez mal l’obligation, pour le flic le plus célèbre de France, de lâcher son travail. Le commissaire est très clair sur la question dans La Patience de Maigret (1965) : « Le samedi soir, ils s’étaient rendus à Meung-sur-Loire, dans la petite maison qu’ils aménageaient pour le jour où Maigret serait forcé par les règlements à prendre sa retraite. Dans deux ans et quelques mois ! À cinquante-cinq ans ! Comme si un homme de cinquante-cinq ans, qui n’avait pour ainsi dire jamais été malade et qu’aucune infirmité n’amoindrissait, devenait du jour au lendemain incapable de diriger la Brigade criminelle. »
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On murmure qu’Élisabeth Borne pensait à l’homme à la pipe quand elle a déclaré : « Peut-être est-ce lié à mon âge qui avance, mais je suis de plus en plus convaincue que les seniors ont leur place dans l’entreprise. » D’aucuns objecteront que Maigret bénéficie de toute façon d’une autre forme de régime spécial, essentiellement à base de plats en sauce, obérant sérieusement son « espérance de vie en bonne santé »avant et après sa retraite.
De toute manière, parmi les salariés qui voudront partir plus tôt, certains acceptent déjà l’idée d’une retraite minorée et semblent ne pas en vouloir à Olivier Véran pour ses revirements sur la question du minima à 1 200 euros : « On n’a jamais dit que nous allions donner 1 200 euros à tout le monde. » Prenez l’exemple du colonel Cantwell dans Au-delà du fleuve et sous les arbres d’Hemingway. En poste à Venise, amoureux d’une très jeune comtesse, il pense sérieusement à un « arbitrage », comme on dit chez les macronistes, et il est prêt à subir la « décote » de sa retraite pour vivre ce dernier amour : « C’est ici que je devrais vivre. Je pourrais m’en tirer avec ma pension de retraite. Une chambre dans une maison comme celle-ci. J’irais manger dans les bons petits bistrots pas chers des Halles. »
Et puis, est-on si sûr, par ailleurs, que cette question préoccupe la jeunesse comme pourraient le faire croire certaines banderoles lycéennes ? Ce n’est, visiblement, pas le cas de la Zazie de Queneau. Sa vocation d’enseignante est ailleurs : « Retraite mon cul, dit Zazie, moi c’est pas pour la retraite que je veux être institutrice. C’est pour faire chier les mômes ! »