Avec la spécialiste Maïa Mazaurette, la sexualité se fait féministe, égalitariste et moralisante. La journaliste du Monde et de « Quotidien » prône notamment des ébats «zéro déchet».
Maïa Mazaurette est aujourd’hui une “chroniqueuse sexe” reconnue. Il faut dire que rien d’autre ne l’intéresse. Longtemps elle s’est demandé où cela la conduirait.
Quelle profession embrasser lorsque l’unique sujet de vos réflexions est celui qui tourne autour des fluctuations de la fesse ? Maïa a envisagé plusieurs options, de la plus péripatéticiennement dégradante à la plus putassièrement accessible. Finalement, elle a choisi la voie journalistique qui n’interdit aucune des options susmentionnées et peut ouvrir bien des portes. Elle fait maintenant office de “chroniqueuse sexperte” sur France Inter, dans le journal Le Monde et pour l’émission « Quotidien », organes de presse modernes et progressistes dans lesquels elle dispense avis et conseils pour une sexualité féministe, morale et égalitaire.
A lire aussi: «L’écriture inclusive est annonciatrice d’une tyrannie»
En guerre contre les handicapés du cunnilingus
Sa chronique sur la radio publique s’intitule « Burne Out ». Tout un programme. Pendant trois minutes, Maïa n’hésite pas à prendre le taureau par les cornes et à tirer les oreilles des hommes. Le 18 mars, la chroniqueuse était « dans une colère noire ». Fichtre ! De quoi peut-il s’agir, nous demandâmes-nous in petto. Nous eûmes bientôt la réponse : Maïa venait de lire une enquête dans laquelle elle avait appris que « 48% des Français n’accepteraient pas d’être en couple avec une femme ne respectant pas les standards de beauté, 45 % refuseraient de coucher avec une femme qui a des poils, 20% ne voudraient pas d’une femme plus grande ou plus âgée ». On comprend mieux le courroux de Dame Mazaurette. Surtout que, dans 27% des cas, ces goujats rechigneraient également à utiliser un sextoy pour faire jouir leur partenaire ou refuseraient carrément de s’informer sur « comment la faire jouir ». La chroniqueuse, déjà passablement énervée, apprit dans la même enquête qu’en plus d’être des cancres du coït et des handicapés du cunnilingus, « les trois-quarts des hommes refusent les couples ouverts, l’échangisme, et que quatre hommes sur cinq refusent les plans à trois avec deux hommes ». Désespérée, elle s’interrogeait en direct : « Qu’est-ce que je vais faire de mes week-ends ? »
Le vendredi 15 avril, elle annonce qu’elle sait en tout cas ce qu’elle va faire pendant le week-end de Pâques : elle va s’offrir « un œuf-surprise en chocolat, comme les Kinder, mais avec un vibromasseur dedans ». Parce que le sexe c’est bien, c’est quand on veut, « c’est H24, sans week-ends, toute l’année, jours fériés compris, un rythme stakhanoviste assumé ». Toute obsédée du cul soit-elle, Maïa n’oublie pas les gestes écologiques pouvant “sauver la planète”. Elle pense qu’une « sexualité zéro déchet » est possible. Celle-ci reposerait essentiellement sur une « rétention de la semence masculine ». En même temps, s’interroge la Sandrine Rousseau du popotin, se retenir d’éjaculer ne relève-t-il pas d’un hyper-contrôle tendant à prouver la supériorité de l’homme, et donc d’un « exercice de masculinité, et même de remasculinisation ». On voit par là tout l’intérêt d’une radio publique qui n’hésite pas à mettre sur la table les sujets les plus sérieux, à poser les questions les plus fondamentales, à fouiller dans les arcanes des savoirs les plus mystérieux.
Dans l’émission « Quotidien », Maïa, toujours pimpante, donne des conseils. Par exemple, à Vincent, un adolescent qui avoue être « perdu dans sa sexualité », elle propose d’ouvrir un compte Instagram ou d’aller sur Facebook où il pourra choisir le genre qu’il veut. Il peut aussi, conseille-t-elle, aller sur « l’application Feeld et ses propositions hyper inclusives comme “objectum-sexuel” (être attiré sexuellement par un objet) ou “skolio-sexuel” (être attiré sexuellement par des personnes non-binaires hétérosexuelles ou homosexuelles)». Vincent est rassuré. Se frottant frénétiquement à un pied de table, il se sent prêt à déclarer sa flamme à sa voisine pansexuelle, à sa brosse à dents ou à son chat. Merci Maïa.
En guerre contre l’hégémonie du pénis
La “chroniqueuse sexperte” a écrit plusieurs ouvrages destinés à l’édification des masses d’hommes incultes. Dans La revanche du clitoris, elle affirme vouloir faire évoluer les mentalités en luttant contre les approximations. « Tous les adolescents savent ce qu’est la sodomie, mais beaucoup d’entre eux ne peuvent pas situer le clitoris. » Le clitoris ne doit plus être caché. En tout cas, l’homme doit tout faire pour le découvrir. Pour aider ce dernier, Maïa Mazaurette a glissé dans son livre des dessins, des plans, des astuces coquines, ainsi que, me semble-t-il, une carte routière et une liste d’objets à acquérir (gants, torche électrique, corde, casque, etc.). S’il est attentif et consciencieux, l’homme devrait finir par trouver un jour ou l’autre cet objet organique composé de huit mille fibres nerveuses qui n’attendent que d’être savamment titillées par l’expert du clito qu’il sera devenu après la lecture de ce livre instructif et pédagogique.
A lire aussi: Mazette, Mazaurette !
Parmi les autres ouvrages de notre penseuse, il en est un qui s’intitule Sortir du trou, lever la tête. Non, il ne s’agit pas d’un manuscrit sur la spéléologie ou d’un énième travail herméneutique sur l’allégorie de la caverne de Platon, mais, plus profondément, d’une réflexion sur la pénétration et l’orifice féminin. Il y est question du pénis hégémonique, du « trou » des filles et même de la possible « transsubstantiation de la femme en trou ». C’est très pointu. En réalité, écrit notre volcanique spécialiste des tréfonds, le trou n’existe pas : c’est une invention de vieux dégeulasses qui pensent « étroit, petit, sans générosité ». La vérité est « qu’il n’y a aucun destin anatomique dans le trou. […] Le trou est une éducation », une construction sociale qui remonte à la plus haute Antiquité et que Maïa Mazaurette se charge de déconstruire. Résultat : 480 pages composées de phrases courtes, très courtes, parfois d’un mot ; écrites dans une langue misérable de journaliste inculte, disent certains réacs peine-à-jouir. Maïa Mazaurette a tout simplement voulu se mettre à la portée de tous. Son écriture claudicante et sèche – proche de celle qui pollue les réseaux sociaux et les messageries des téléphones portables – lui permet d’espérer toucher un plus large public que celui qu’elle aurait atteint en écrivant simplement en français. Ses phrases au premier abord insignifiantes, creuses ou sibyllines – « Le sexe nous déçoit. » « Il y a de la chair sous la chair. » « On te dessine avec un trou. » « Il n’y a aucune fatalité au trou. » « Les vainqueurs écrivent le trou. » « La culture t’a trouée. » « Je ne pense pas comme un trou. » – sont destinées principalement à de jeunes lectrices – étudiantes en sociologie à Paris 8, journalistes pour Slate ou Les Inrocks, ou artistes contemporaines et intermittentes – qui comprennent intuitivement que derrière ce que d’aucuns appellent un gribouillis informe se cache en vérité la défaite de la domination masculine et du patriarcat.
Enfin, notre bouillante chroniqueuse égalitaire n’oublie pas de rappeler aux femmes qu’elles aussi peuvent pénétrer et « baiser les hommes ». Réjouie, elle les informe « qu’on peut pénétrer le pénis par l’urètre ». Il est nécessaire pour cela de se munir de différents « instruments spéciaux » dont « des tiges de métal de différents diamètres ». Cette pratique permettrait d’obtenir « des orgasmes extraordinaires ». J’ai beau avoir été déçu par les résultats de l’élection présidentielle et chercher des moyens nouveaux de grimper aux rideaux ou seulement d’éviter de tomber en dépression, j’avoue que je ne me sens pas prêt pour ces nouvelles expériences avec Maïa ou une de ses congénères. Comme tout homme j’ai soif d’amour – mais, comme disait Desproges, ce n’est pas une raison pour me jeter sur la première gourde venue.