Accueil Édition Abonné Avril 2018 Pascal Thomas : « En 1968, tout est devenu trop sérieux »

Pascal Thomas : « En 1968, tout est devenu trop sérieux »

Pascal Thomas a croisé le tout-Paris des arts et des lettres pendant mai 68


Pascal Thomas : « En 1968, tout est devenu trop sérieux »
Pascal Thomas sur le tournage de Confidences pour confidences, 1978. Crédit photo Etienne Georges

C’est en observateur ironique, accablé parfois, amusé toujours, que le réalisateur Pascal Thomas a vécu mai 68. Agé de 22 ans, il  croise alors le tout-Paris des arts et des lettre tandis que les jeunes gens vocifèrent, manifestent et s’ébattent dans tous les sens. Choses vues.


Tant de choses ont été dites sur Mai 68 à cause de cette manie agaçante des commémorations. Et patatras, voilà arrivé le cinquantenaire ! Je vois – sans les ouvrir – tous les livres qui sont publiés par ceux qui font de Mai 68 leur fonds de commerce. Je tiens à rester un observateur ironique, accablé parfois, amusé toujours. À toute analyse, je préfère l’anecdote révélatrice, le petit fait qui éclaire les comportements. Je suis un littéraire et c’est d’ailleurs ce goût pour l’anecdote que j’ai eu très tôt.

Je viens d’une famille de petits paysans du Poitou, de Saint-Chartres près d’Airvault par mon père. Du côté de ma grand-mère, il y avait sept enfants, tous couturiers ou tailleurs, qui une fois débarqués à Paris, gare Montparnasse, se sont retrouvés avec « leurs pays » employés au Bon Marché. Ils étaient originaires de Ménétréol-sur-Sauldre en Sologne. Du côté de mon père, ce sont des paysans modestes, que j’ai connus sans téléphone, d’ailleurs il fallait aller chercher l’eau au puits. Dans les tiroirs de la maison, le moindre fil et le moindre clou étaient conservés, l’économie régnait. Ils élevaient des volailles et des lapins. Ce sont les fils de ces paysans, que l’on retrouve plus tard gendarmes, policiers. Mon cousin germain a, lui, débarqué à Paris, vécu à Courbevoie, avec femme et enfants, s’est retrouvé à la circulation (métier de plein air). Comme l’uniforme l’ennuyait, il a passé les examens nécessaires pour devenir officier de police, de ceux que l’on trouve dans les commissariats tapant à deux doigts les dépositions.

La petite bourgeoisie étudiante s’agitait un peu comme Louis de Funès autour de Jean Gabin dans Le Tatoué

Mon père a été paysan jusqu’à 26 ans, il est monté à Paris et s’est retrouvé dans les assurances. Il est mort quand j’avais cinq ans. Mes grands-parents maternels vivaient dans le 7e arrondissement. Mon grand-père était tailleur et ma grand-mère couturière au Bon Marché et ils avaient pu acheter un appartement proche de leur lieu de travail, car beaucoup d’immeubles de la rue de Sèvres étaient destinés aux employés de ce grand magasin, les Boucicaut ayant leurs œuvres sociales. Mes grands-parents sont repartis pour la Sologne, nous laissant, ma sœur, mon frère, ma mère et moi, dans ce petit appartement rue Rousselet. Dans les mois qui ont suivi la mort de mon père, je suis devenu bègue, myope et sujet à une maladie qui m’a conduit dans un sanatorium à Odeillo, près de Font-Romeu. Ensuite, comme j’étais un enfant turbulent, j’ai été placé en pension au lycée Carnot à Fontainebleau, qui a servi de cadre à mon premier film, Les Zozos. À l’occasion des sorties, je retrouvais ma famille, cette famille de couturières, de tailleurs, de policiers, de gendarmes, d’employés des postes, qui a laissé en moi l’image d’un groupe humain brave, modeste et joyeux, des Français traditionnels, dans ce qu’ils avaient de meilleur, certainement.

Ce long préambule pour dire que je n’étais pas bâti pour apprécier les petits bourgeois nantis vêtus de pulls cachemire et de pantalon Renoma à pattes d’éléphant, sentant le croissant du petit déjeuner matinal, roulant déjà en Mini Cooper, qui allaient fournir le gros des troupes des manifestations de Mai 68. Je me suis d’ailleurs retrouvé quelques mois plus tard à Rome en accord parfait avec Pier Paolo Pasolini qui ne voyait pas les jeunes bourgeois révolutionnaires d’Italie d’un autre œil que le mien. Pasolini avait donné toute sa sympathie à l’endurance et à la patience des


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Avril 2018 - #56

Article extrait du Magazine Causeur




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