Dans La France d’hier (Stock, 2018), Jean-Pierre Le Goff dresse un tableau contrasté de Mai 68. Le monde adolescent émergent oscillait alors entre campagne et villes nouvelles, catholicisme de papa et individualisme, ordre traditionnel et société des loisirs. On aurait préféré que les révoltés de mai assument davantage le poids du vieux monde.
Il y a vingt ans, Jean-Pierre Le Goff publiait l’une des plus pertinentes et des plus lucides analyses des événements qui ont secoué la France en mai 1968 et redessiné durablement son visage[tooltips content= »Mai 68, l’héritage impossible, La Découverte, 1998. »]1[/tooltips]. À l’époque de sa publication prédominait encore dans le récit qui en était fait une légende dorée, celle d’une extrême gauche qui aurait, fût-ce en accomplissant une révolution différente de celle qu’elle avait cru accomplir, modernisé positivement la société française, sous la forme de ce que l’on appellera plus tard le « gauchisme culturel ». Face à cette complaisante vulgate, Le Goff avait mis en évidence que l’héritage de Mai 68 comportait des limites, des contradictions et des aspects nihilistes qui rendaient impossible qu’on l’assumât en sa totalité. Cependant, depuis une quinzaine d’années, s’est développée, à la faveur d’un mouvement de balancier, une critique conservatrice de Mai 68 qui réaffirme l’importance de l’autorité, la nécessité de la transmission et la valeur de la tradition, parfois avec pertinence et talent, mais parfois aussi de façon brutale ou excessive,
