Les Scarface, Don Corleone et autres parrains du Milieu n’ont qu’à bien se tenir. Après Wikileaks, Vatileaks, voici Mafialeaks, un nouveau venu dans l’ère de la transparence absolue. Créé par un groupe d’informaticiens italiens et actif depuis ce mardi 5 novembre, ce nouveau bébé du grand Big Brother virtuel est, semble-t-il, né pour la bonne cause.
Destiné à briser la loi de l’omerta, Mafialeaks est le nouvel instrument anti-mafia mis à la disposition de la démocratie participative et responsable pour délier les langues craintives des victimes de la Mafia, depuis les anciens mafieux reconvertis désirant blanchir leur âmes jusqu’aux honnêtes témoins. En conservant l’anonymat de ceux qui envoient les informations, de ceux qui les reçoivent et les traitent (magistrats, journalistes, forces de l’ordre) comme celui des informaticiens à l’initiative du projet, Mafialeaks permet de dénoncer trafics de drogue, extorsions de fonds, contrôle du marché des machines à sous, infiltrations dans les services administratifs ou pressions pour obtenir des avantages sociaux. Va bene !
Mais cette Bocca della verità virtuelle peine à convaincre les vrais geeks, légèrement complotistes sur les bords, persuadés qu’il est toujours possible de remonter à la source grâce à l’adresse IP et à la carte réseau de l’ordinateur. À moins d’utiliser un PC tombé du camion, de se connecter à une borne Macdo, vêtu d’un trench noir, ganté et chapeauté puis de balancer à la va-vite son témoignage en fuyant les caméras de surveillance, l’anonymat n’est jamais garanti. Méfiance donc. L’armure risque de se changer en piège. Au-delà de la faillibilité du système informatique, Mafialeaks n’est pas à l’abri ni de l’infiltration orchestrée par le filandreux réseau, ni de la corruption de certains citoyens qui s’imagineront un passé de victime pour régler leur comptes personnels.
Triste défouloir que cette délation sécurisée pourrait provoquer. Pas de quoi affoler les mafieux qui ont fait de la réplique culte du Parrain leur maxime morale : « S’il est une chose certaine sur terre, une chose que l’histoire nous a apprise, c’est qu’on peut tuer n’importe qui. »
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