Grâce aux romans Romanzo criminale et Suburra, des millions de lecteurs à travers le monde connaissent les arcanes de la pègre romaine. Il faut dire que leur auteur, l’ancien juge anti-mafia Giancarlo De Cataldo, n’a pas tiré ces histoires de sa seule imagination. Avec des personnages aussi hauts en couleur que Le Libanais, Le Noir ou Dandy, la Ville éternelle a pris des allures de Chicago sous la prohibition.
Il y a quelques années, lorsqu’a éclaté l’affaire Mafia Capitale, la réalité a carbonisé la fiction. Cette immense magouille de marchés publics truqués mise en place dans les années 2000 par le milieu et la Mairie de Rome était jugée cet été. Fin juillet, des années d’enquête et des semaines d’audience ont débouché sur… presque rien. Magnanimes, les magistrats ont en effet écarté l’article 416 du Code pénal italien qui punit les groupements mafieux. D’après leur verdict, la mafia romaine… n’existe pas !
« Délinquants ordinaires »
Cela n’a pas empêché le tribunal d’infliger une vingtaine d’années de prison aux deux principaux inculpés : Salvatore Buzzi dit « Le Rouge » et Massimo Carminati, alias « Le Noir », surnoms hérités de leurs engagements politico-militaires d’antan, aux deux extrêmes du spectre politique. Pour rançonner les responsables du ramassage des déchets, des centres sociaux ou lancer une razzia sur la chnouf, les ex-frères ennemis Buzzi et Carminati s’entendaient comme larrons en foire. Bref, si le complot rouge-brun a existé, c’est bien à Rome ! Subtile casuistique, la décision de justice nie l’existence d’un réseau mafieux global, mais condamne les deux larrons en qualité de « délinquants ordinaires » (sic), tout en disculpant la plupart de leurs trente-neuf petits camarades de box.
Rien de tel qu’un coupable reconnu, musclé, balafré et tatoué pour fasciner les foules. Carminati, 59 ans, correspond à ce portrait-robot. De sa geôle parmesane, il suscite l’admiration des nostalgiques du Duce pour avoir servi de chaînon manquant entre mafia romaine et milieux néo-fascistes au début de la décennie 1980. L’homme d’action passe même pour un as de la réflexion puisqu’on lui prête le statut de dernier disciple du philosophe traditionaliste Julius Evola, auteur du Fascisme vu de droite. Histoire de parfaire son mythe, Le Noir a perdu un œil en 1981 au cours d’un échange de tirs avec la police. Depuis, certains le surnomment également « Le Borgne ».
Apparemment cette semi-cécité est une maladie très très contagieuse puisqu’elle a contaminé les juges.
Romanzo criminale-La série : L'intégrale de la Saison 1
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