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Macronie: la lutte des places

La lutte des places : sous Emmanuel Macron et avant...


Macronie: la lutte des places
La maire de Nice Christian Estrosi, le président Macron et leurs épouses, Nice, 14 juillet 2017 © Laurent Cipriani/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22077935_000109

Si Karl Marx était des nôtres, il ne jugerait pas incompatible la lutte des places avec la lutte des classes, la première étant un dérivé minime de la seconde. Dans les deux cas, au fond, c’est une affaire de pouvoir…


C’est un thème vieux comme le monde mais j’ai fait partie des quelques naïfs qui en 2017, à cause de la fraîcheur apparente du président et de son caractère atypique, jugeaient crédible sa promesse d’un nouveau monde, au moins sur le plan de la morale publique. Ce n’est pas le cas, avec en plus une arrogance et un cynisme affichés.

Combinaisons roublardes

Il y a toujours eu un mantra obligatoire pour tous les présidents de la Ve République, à l’exception de Charles de Gaulle et de François Hollande : on ne pense qu’à travailler au service des Français, pas du tout à la réélection. Charles de Gaulle a démontré qu’il tenait moins au pouvoir qu’au peuple et François Hollande, sans être contraint ni forcé, a décidé, en le regrettant par la suite, de ne pas se représenter. Ce n’est pas si fréquent ! Emmanuel Macron, lui, nous a offert à plusieurs reprises un discours de devoir et de sacrifice mais en réalité on n’a jamais vu un président s’abandonner si tôt avant l’échéance à tant de combinaisons politiciennes et roublardes pour mettre toutes les chances de son côté. Qu’on songe aux régions PACA, Hauts-de-France par exemple et à l’investissement du président et de son Premier ministre, qui donne le vertige tant il néglige l’essentiel pour ne se consacrer qu’à l’écume ambitieuse : en même temps, un hommage au policier assassiné par un malfaiteur à Avignon et l’obsession de jeux partisans qui indignent d’autant plus que la situation de la France appellerait une concentration absolue de nos gouvernants.

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Je l’ai dit, cela n’a pas commencé avec Emmanuel Macron mais il a poussé ce processus délétère jusqu’à un point inimaginable en République : la lutte des (et pour les) places. On pourrait gloser à l’infini sur la multitude de ces ambitions qui dans notre histoire politique ont pris un tour si différent selon la personnalité des aspirants au pouvoir et de leur rapport au temps. Nicolas Sarkozy n’a jamais dissimulé son impatience et, en 2007 comme en 2012, il n’a jamais pris les citoyens pour des imbéciles en simulant un désintérêt qui n’aurait pas été plausible. En revanche, il a su tenir ses soutiens et ses affidés par l’octroi de places que leurs mérites ne justifiaient pas forcément et qu’ils ont trop souvent perçues comme la liberté de n’agir que sous leur seul contrôle, donc à l’abri de tout. Avec ce paradoxe qu’il a partagé avec François Hollande d’avoir fait nommer, en violation d’engagements explicites ou implicites, des ministres aussi peu armés pour la fonction que par exemple Sibeth Ndiaye pour être porte-parole sous Macron. André Vallini en sait aussi quelque chose, comme il aurait été un bon garde des Sceaux, il n’a pourtant jamais été appelé !

Et la lutte des classes?

Dans ce domaine également, Emmanuel Macron est incomparable. Il est incontestablement le pire DRH de la Ve République pour tous les niveaux, celui des mauvais coups et des manœuvres comme celui des occupations élevées. Quand on ne choisit que pour soi, on choisit mal ! La lutte des places, pour l’appétence suprême, ne relève pas nécessairement d’une agitation frénétique et constante. François Mitterrand a su, avec une patience d’ange roué et calculateur, attendre trois fois son heure comme Jacques Chirac. Était-ce bien nécessaire, en tout cas pour le second qui est honoré de manière surabondante à proportion de son immobilisme chaleureux et sympathique ? Je voudrais rendre hommage, sans aucune dérision, à ceux qui reviennent inlassablement dans la lice présidentielle en ayant la certitude au fond d’eux – le caractère péremptoire de leur optimisme en étant la preuve paradoxale – qu’ils demeureront dans le meilleur des cas à peine au-dessus de 5%. Nicolas Dupont-Aignan est un parfait exemple de ces convictions qui acceptent de faire comme si elles avaient une chance de devenir majoritaires. Je n’en serais pas capable : c’est héroïque… A rebours, il y a, comme Jean-Luc Mélenchon, des persévérants par certitude d’être irremplaçables : ils se déclarent nécessaires pour échapper au risque de ne plus être à la longue perçus comme tels !

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La lutte des places, sous Emmanuel Macron, s’ajoute à la lutte des classes : les Gilets jaunes d’hier, s’ils avaient été dogmatiques, l’auraient perçu et s’ils reviennent demain, ils affineront leur demande de démocratie. Loin des clivages dont rêve Emmanuel Macron – mondialistes contre nationaux, progressistes contre conservateurs -, ils se battront au nom du seul qui vaille socialement : il oppose ceux qui ont à ceux qui n’ont pas. Non pas que j’aie la moindre fibre révolutionnaire, mais il y a un tel degré de réalisme cynique, en ces temps, derrière l’affichage de valeurs « pour faire bien », qu’on peut se donner le droit à un extrémisme indigné et pacifique. Emmanuel Macron a créé un nouveau monde, oui, mais pas le bon.




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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