Emmanuel Macron n’entendait pas forcément faire venir à Paris le président ukrainien avant la date du premier anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Mais, devant le faste déployé par les Britanniques, le président français a rapidement organisé une réception à l’Élysée, mercredi 8 février. Coulisses.
Le soir du mercredi 8 février, le président ukrainien a été invité et reçu à l’Élysée de manière parfaitement impromptue. Selon nos confrères de Politico [1], cette invitation surprise aurait été motivée par la nouvelle de la visite-éclair rendue par M. Zelensky à Londres le même jour. Au fur et à mesure que le programme de la journée londonienne se dévoilait, Paris devenait de plus en plus anxieux à l’idée de ne pas être aussi le centre de l’attention internationale. Il est vrai que les Britanniques avaient tout préparé pour faire de cette visite non seulement une démonstration de solidarité internationale, mais aussi un grand spectacle médiatique.
À Londres, un programme royal
Arrivant en Angleterre dans un avion britannique, M. Zelensky a été reçu à l’aéroport par le Premier ministre, Rishi Sunak, et emmené au 10 Downing Street où il a été accueilli par les applaudissements des fonctionnaires – devant les caméras. Ensuite, visite au parlement où, après avoir échangé une poignée de main avec le leader de l’opposition, le travailliste, Sir Keir Starmer, le président ukrainien a rencontré les présidents de la Chambre des Communes et de celle des Lords. Au premier, il a donné un casque de pilote de chasseur ayant appartenu à un as de l’armée de l’air ukrainienne. Inscrite dessus, il y avait la formule suivante : « Nous avons la liberté, donnez-nous des ailes pour la protéger ». C’était d’ailleurs le message essentiel du discours qu’il a prononcé par la suite devant les élus rassemblés dans Westminster Hall, la partie la plus ancienne du parlement de Londres. L’étape suivante a été une visite au palais de Buckingham où M. Zelensky a été reçu par le roi Charles. Pour compléter le programme, il est parti en hélicoptère avec Rishi Sunak afin de se rendre à une base militaire dans le Dorset où il a rencontré des soldats ukrainiens qui se formaient sur le char britannique, Challenger 2. Après avoir donné des médailles à certains de ces hommes, il a tenu une conférence de presse commune avec le Premier ministre devant un tank. C’est là que Rishi Sunak a annoncé que les premiers chars britanniques arriveraient en Ukraine au mois de mars et que son gouvernement évaluait la possibilité d’envoyer des avions de chasse, en soulignant que, en matière de soutien à l’Ukraine, rien n’était à exclure.
En principe, le président Macron n’avait pas l’intention de recevoir M. Zelensky à Paris mercredi. Ce soir-là, il aurait plutôt projeté d’aller au théâtre avec sa femme. Mais face aux images triomphales de la visite du président ukrainien à Londres, tout a changé. Un fonctionnaire de l’Élysée a confié à Politico qu’une décision spontanée a été prise pour attirer M. Zelensky à Paris. Sans doute afin de rivaliser avec le faste et la solennité londoniens, l’Élysée a tenté d’organiser une cérémonie aux Invalides pour honorer son visiteur. Pourtant, comme le président ukrainien ne pouvait pas être à Paris à temps, M. Macron a dû annuler l’événement et se contenter d’un dîner à 22h00. Il a néanmoins pu décerner la Légion d’honneur à son invité, et pour gonfler l’importance de l’occasion, il a réussi à persuader M. Scholtz de sauter dans un avion et de se rendre lui aussi à Paris.
Improvisation parisienne
Toute cette activité improvisée était d’autant plus curieuse que le président français avait caressé le projet d’inviter M. Zelensky à Paris pour marquer l’anniversaire de l’invasion de son pays par la Russie. Pourtant, à la fin, rien ne s’était concrétisé. Toujours selon Politico, cette inaction s’explique en partie par le fait que, quand le président ukrainien s’adresse ou rend visite à ses homologues occidentaux, c’est surtout pour quémander des livraisons d’armes. Cela ne fait pas peur à M. Sunak, car le Royaume Uni fournit l’Ukraine depuis longtemps. Il a été le premier pays à promettre des chars et le premier pays européen à livrer des missiles antichars. Il est possible qu’il soit le premier à livrer des chasseurs.
Faire de telles promesses, ce serait sans doute aller trop loin pour M. Macron. Être obligé de refuser d’en faire, devant M. Zelensky, le jour symbolique de l’anniversaire de l’invasion, ce n’est pas valorisant.
Pourtant, le président semble n’avoir pas pu résister à la tentation de saisir l’opportunité de se montrer en homme d’État sur la scène internationale. C’est sûrement plus flatteur que de faire face aux manifestations provoquées sur la scène domestique par la réforme des retraites. À croire que M. Macron serait parfois motivé par la vanité. Certes, en politique il ne serait pas le seul. On pense au bon mot d’Elie Faure :
« La vanité et la crainte du ridicule sont les traits les plus saillants du caractère français. C’est étrange, à coup sûr, la vanité étant neuf fois sur dix la source du ridicule ».
[1] https://www.politico.eu/article/emmanuel-macron-volodymyr-zelenskyy-ukraine-behind-the-scenes-scramble-to-paris/