En s’invitant sur TF1 et France 2 hier soir, le président de la République s’est livré à un très complexe exercice de pédagogie sur l’Ukraine, avant de s’envoler pour Berlin. En Allemagne, il compte sur Donald Tusk, le nouveau Premier ministre de la très inquiète Pologne, pour se rabibocher avec le chancelier Scholz. Analyse.
Ainsi le président de la République française, Emmanuel Macron, a-t-il tenté de justifier ce jeudi 14 mars 2024, lors d’un entretien en direct sur les deux principales chaînes de télévision de l’Hexagone, sa récente déclaration le 26 février dernier, à l’issue de la conférence internationale de soutien à l’Ukraine, concernant le possible envoi de troupes militaires françaises sur ce même sol ukrainien. Un exercice de pédagogie qui s’est cependant bien vite révélé, dès les premiers échanges (dont une analogie bancale, et même contreproductive tant elle s’est finalement retournée contre son propre raisonnement, sur les positions « assises » ou « debout » de ses deux interlocuteurs), confus, contradictoire, mal assuré, approximatif, suscitant plus de questions qu’il n’a offert de réponses, et donc, au bout du compte, plutôt raté !
Logorrhée belliciste: une posture aussi maladroite qu’artificielle tant elle force le trait
La raison de cet étonnant mais lamentable fourvoiement intellectuel, tout autant que politico-diplomatique ? Le fait que M. Macron ne réussit pas à se dépêtrer de cette posture, aussi maladroite qu’artificielle tant elle force le trait, qui, il y a donc quelques jours seulement, lui fit déclarer de manière impromptue et improvisée, dans sa réponse élyséenne à un journaliste lors de la récente conférence de presse dédiée à cette aide à apporter à l’Ukraine, que la France était prête à envoyer des soldats sur le territoire ukrainien, précisément, si, d’aventure, la Russie l’emportait, dans ce conflit, sur le terrain. Et la machine guerrière, sa logorrhée belliciste tout autant que le péril qu’elle recèle intrinsèquement, de s’emballer aussitôt, dangereusement, aux quatre coins de la planète ! Ainsi n’a-t-on toujours pas compris, en substance, cette assertion, du même Macron, selon laquelle « la Russie ne devait pas gagner cette guerre ». Qu’est-ce à dire, en effet, concrètement, de manière plus précise, tangible et efficace ? Car, dans la réalité des faits, c’est bien la Russie qui, malgré la sincérité de notre soutien à l’Ukraine depuis le début de ce conflit, est en train de gagner, effectivement, sur le terrain !
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Davantage : il est même fort probable, au train où vont les choses (dont notre propre faiblesse militaire aussi bien que le retrait progressif des États-Unis d’Amérique de ce champ de bataille) et compte tenu surtout de la disproportion des forces en jeu (la terrible puissance russe face à la vaillante mais désormais précaire résistance ukrainienne), que la Russie finisse par gagner, qu’on le veuille ou non, définitivement.
Alors quoi, si l’on suit, à la lettre, la logique macronienne, qui, du reste, n’est toujours pas claire ? La France, dans ce malheureux mais réaliste cas, va-t-elle véritablement entrer en guerre contre la Russie ? Au risque, face à ces deux puissances nucléaires, de faire exploser dès lors, sinon la terre entière, du moins notre bonne vieille Europe, avec, dans ce carnage qui s’avérera ainsi d’une ampleur inédite, des centaines de millions de morts ?
Les mots « négociation » et « diplomatie » ont disparu
Mais il y avait pire encore, si cela est possible, dans cette mauvais charpente argumentative d’Emmanuel Macaron lors de ce pitoyable entretien télévisé de ce 14 mars : jamais les mots de « négociation » ni même de « diplomatie » n’y ont été ouvertement prononcés, sinon par rapport à de vagues, vains, anciens et dérisoires pourparlers, hélas, d’il y a plusieurs mois déjà ! Au contraire : ceux qui optent aujourd’hui pour la paix, pourtant seule solution rationnelle dans cet horrible conflit, y ont été traités, par ce même Macron, de « défaitistes », sinon implicitement, telle l’outrageuse conséquence d’un très malhonnête, injuste et fallacieux procès d’intention, de « complices », à l’instar du funeste esprit munichois d’autrefois, de la dictature poutinienne (ce qu’elle est, nul ne peut objectivement en douter, en effet, pour le malheur et triste sort des Russes eux-mêmes) ! Diantre ! Emmanuel Macron, soudain pris lui aussi d’un inapproprié prurit manichéen, aurait-il soudain perdu là, parce que la situation l’arrange en cette pénible circonstance, son légendaire sens de l’ « en même temps », comme si l’on ne pouvait à la fois soutenir l’Ukraine, dans son très légitime droit à la défense de sa souveraineté nationale tout autant qu’à la préservation de ses frontières internationales, et œuvrer, parallèlement, en faveur de la paix avec la Russie ?
Préférer une paix raisonnée à une guerre insensée ?
Privilégier une paix raisonnée, nuance oblige, plutôt qu’une guerre insensée, où tous seraient dramatiquement perdants, c’est ce que les authentiques humanistes, pour qui l’intelligence du cœur vaut également principe de raison, réclament très sincèrement, et sans pour autant verser dans je ne sais quelle indigne capitulation. Car, de fait, il y a bien un agressé, l’Ukraine, et un agresseur, la Russie.
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