Dans un récent article paru dans Le Point, on apprend qu’Emmanuel Macron aime boire, aussi bien du whisky que des bons vins, et pas uniquement pour les grandes occasions…
« Emmanuel Macron ou l’art si français de lever le coude », tel est le titre d’un excellent article de notre consœur du Point, Nathalie Schuck, qui, non sans humour, nous renseigne sur les habitudes du chef de l’État et sa prédilection pour les alcools, ainsi que sur sa capacité de résistance : « il est capable d’écluser plusieurs ballons de belle taille de whisky sans que nulle trace de griserie ne froisse son visage ». Et on apprend plus loin que depuis son arrivée à l’Élysée, « les bouchons sautent et les bulles frétillent », au plus grand bonheur des convives et de la sommelière de la présidence, Virginie Routis, première femme à détenir les clefs de la cave de l’Élysée. Mais tout cela a, officiellement, un objectif : le rayonnement de la France. Déjà à Bercy, Emmanuel Macron choyait ses hôtes étrangers en considérant les vins et les alcools français comme d’excellents ambassadeurs. C’est pourquoi il a décrété que ce secteur est « hautement stratégique », qu’il est un « marqueur civilisationnel ». « Le vin, dit-il, c’est l’âme française. Il relève de nos usages. Je fais partie de ces Français pour qui un repas sans vin est un repas un peu triste ».
Et on se souvient qu’en 2018, il avait lancé, au salon de l’Agriculture : « Moi, je bois du vin midi et soir. » Des propos qui avaient fait bondir les sobres addictologues, dénonçant une banalisation de la consommation d’alcool.
Si nos précédents présidents pouvaient apprécier de beaux flacons, aucun n’en a pas fait une telle promotion. Le général de Gaulle, Pompidou et Giscard étaient des amateurs discrets de grands crus, tout comme Chirac qui s’était très habilement construit une image populaire de buveur de bière. Mitterrand et Hollande n’ont pas laissé de souvenirs bacchiques, quant à Nicolas Sarkozy, il ne boit pas une goutte d’alcool.
Aussi, les prises de positions d’Emmanuel Macron font de lui, aux yeux de certains, le meilleur VRP de la filière vitivinicole. Et un indice ne trompe pas : il s’est vu décerner le prix de la personnalité des Trophées du vin, en 2022.
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L’article du Point est instructif pour qui ne partage pas l’intimité du couple présidentiel. Emmanuel Macron se livrerait à des dégustations œnologiques à l’aveugle, et, attention : il ne se trompe jamais ! Et quand son agenda le permet, le président et son épouse vont s’encanailler autour d’une bonne bouteille et une planche de charcuteries dans un bar à vin. L’un des rares convives témoigne : « Dans ces dîners, on se marre bien, à quatre ou cinq, pas plus, au bistrot ou dans un bar à tapas. Brigitte est là, il raconte des histoires, il rit de nos blagues ».
Un virage à 180°
Difficile de croire que l’on parle là de notre président réélu en 2022, cet homme si sobre, ce bourreau de travail ne dormant que quelques heures par nuit pour se consacrer à ses dossiers… Il suffit de relire ce qui était écrit il y a un an au sujet de l’ambiance à l’Élysée : on était loin, très loin, de laisser penser que le président pouvait aller prendre du bon temps entre copains dans un bar à tapas.
Le 18 août 2022, le même Point publiait un article très renseigné sur la vie privée d’Emmanuel Macron. Ses « soirées sont invariablement consacrées au travail. Les nuits à l’Élysée sont bien souvent studieuses », pouvait-on lire, et l’article de Mathilde Siraud d’affirmer que le président « s’est astreint depuis ses débuts à l’Élysée une vie d’ascèse rythmée par une discipline quasi militaire », « point de fantaisies ni d’escapades nocturnes. Jamais, de mémoire de personnel de l’Élysée on n’avait connu la maison aussi studieuse ». Le président dormirait d’ailleurs si peu que cela inquiéterait son épouse et ses conseillers.
Il est vrai qu’Emmanuel Macron travaille, et aime travailler tard, nombreux sont ceux à témoigner de leurs échanges de textos jusqu’au milieu de la nuit, même le week-end. Sylvain Fort, qui a été chargé de la communication de l’Élysée jusqu’en 2019, expliquait au micro d’Europe 1, un an plus tard : « Travailler avec Emmanuel Macron, surtout en proximité, c’est apprendre à se caler sur son rythme biologique, même si on n’a pas le même. C’est un rythme biologique qui, en gros, le mène à travailler jusqu’à 1h30, 2h du matin, puis à reprendre le collier vers 6h30/7h ».
Gros rouge ou grosse com’ ?
Passer de l’image d’un président qui ne fait que travailler à celle d’un amateur de vins entouré de copains au bistrot sent un peu le coup de com’. Tout d’abord, la nature même de ces fuites interroge. Alors qu’Emmanuel Macron n’organise plus de dîners de la majorité à l’Élysée parce qu’il s’agace des fuites dans la presse, on apprend, par ce qui est vraisemblablement son cercle rapproché, l’un des quatre ou cinq intimes cité plus haut, qu’il aime partager des tapas dans un bar à vin. Si ce sont de vrais amis, c’est une fuite commandée.
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Apprendre l’existence de ces sorties est plutôt sympathique, mais le contraste est saisissant. En fait, ce n’est même pas contrasté : on nous dit, soit le président est un foudre de travail, à mi-chemin entre Jupiter et Vulcain, il ne dort pas, il pressurise ses conseillers etc. Soit c’est un copain qui fait des blagues au bistrot, et, quand il en fait, elles sont drôles ; c’est aussi un amateur de vin, et, quand il fait des dégustations à l’aveugle, il reconnaît tous les crus.
On peut être tout cela à la fois – c’est aussi ça, l’esprit français ! –, mais pourquoi en faire autant dans un sens comme dans l’autre ? C’est là où les ficelles de la communication deviennent trop visibles, pour ne pas dire trop grosses. On comprend que l’intention est de casser une image de techno, lisse et froide, de montrer un président qui vit la vraie vie des vrais gens… Mais ce n’est pas sûr que cela le rende plus populaire car, avec ces « révélations » on ne saisit pas quelle est la cible visée, à qui veut-il plaire. Cela fait son petit effet dans le milieu journalistique et peut-être politique, mais ce ne peut avoir d’impact sur une majorité de Français.
En communication aussi, la modération a du bon.
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