Les listes des candidats aux élections européennes ne sont même pas constituées que la bataille des Européennes a déjà commencé. Et c’est le président de la République française qui a largement allumé la mêche en déclarant le 29 août dernier, lors d’un voyage au Danemark, que Viktor Orban et Matteo Salvini ont raison de le voir comme leur principal opposant. « Je ne céderai rien aux nationalistes et à ceux qui prônent ce discours de haine ! »
Menaces sur la civilisation européenne
Ce faisant, Emmanuel Macron feint de ne pas comprendre et se garde bien d’expliquer à son opinion publique ce qui se joue actuellement en Europe et dans le monde. Si les populismes montent de toute part, et pas seulement en Europe de l’Est, si les souverainistes ont la cote, progressent fortement et souvent gagnent élections sur élections, c’est que le diagnostic, dont la justesse explique que j’ai pu, moi-même un temps, être compagnon de route du souverainisme, est limpide : notre vieille civilisation européenne est menacée à la fois par l’africanisation (fait démographique) et par l’islamisation (fait culturel). Aussi longtemps que cette vérité, qui explose chaque jour un peu plus à la figure des Européens, ne se verra opposer qu’un dédaigneux déni de réalité, alors les souverainistes seront assurés de peser dans l’espace politique européen, jusqu’à menacer la survie même de l’Union européenne.
Nous voyons bien l’intérêt électoraliste du président Macron lorsqu’il bipolarise ainsi la vie politique française (LREM contre RN) et européenne : priver le plus longtemps possible d’espace politique la droite de gouvernement doit lui permettre de conserver son avantage en vue de la présidentielle de 2022.
Nier le problème migratoire fissure l’Europe
Mais ainsi le président Macron joue avec le feu : la réduction des élections européennes de mai 2019 à un duel Macron-Orban n’est pas seulement dangereuse pour la France, elle l’est aussi pour l’Europe !
A force de nier le problème migratoire, c’est, en effet, toute l’Union européenne qui va se fissurer jusqu’à une mort possible. Faut-il rappeler que c’est en minorant la gravité de la crise identitaire que l’élite politique britannique a rendu possible la victoire des partisans du Brexit ?
Les Français ne sont pas contre l’Europe : ils attendent simplement que celle-ci soit enfin l’outil de puissance de notre civilisation. L’adhésion au souverainisme n’exprime pas le refus de l’Europe, elle est le cri de désespoir d’une civilisation qui ne veut pas mourir.
En Autriche, pays qui exerce jusqu’en décembre la présidence tournante de l’Union, la coalition entre la droite libérale pro-européenne et la droite identitaire garantit à la fois l’attachement de l’Autriche à l’Union et la lutte contre une immigration – invasion. En Italie, la coalition Lega / Mouvement Cinq étoiles, exprime le même souhait populaire : les Italiens n’ont pas voté contre l’Europe, ils ont sanctionné celle-ci de les avoir abandonnés face à la déferlante migratoire en Méditerranée ! Plutôt que de diaboliser sans cesse un Matteo Salvini, nos dirigeants français devraient plutôt cesser d’oublier que le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères italiens actuels sont des progressistes.
Diaboliser l’Europe centrale est une impasse
Et qu’en est-il de l’Europe centrale ? De grâce, abandonnons notre arrogance ! Le Groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie) compte 65 millions d’habitants, le poids démographique de notre pays, et pèse 13% des voix au Conseil européen, soit davantage que la France. Si Visegrad était un pays, il serait la cinquième puissance européenne et la douzième puissance mondiale. Enfin, en tant que Français, j’aimerais tellement que nous puissions avoir une croissance de 4% et aussi peu de chômage !
Nous devons comprendre que les peuples d’Europe centrale subissaient encore, il y a un peu moins de trente ans, l’utopie de l’homo sovieticus. Aujourd’hui, Bruxelles, Paris et Berlin voudraient imposer le multiculturalisme et l’islam radical. Ecoutez les Hongrois ou les Polonais de la rue ! Ils vous diront que l’Europe n’a vocation ni à être peuplée d’Afro-européens ni à être islamisée. Leur choix est souverain et doit être respecté.
Par conséquent, si l’Union européenne continue à ne pas vouloir entendre des gouvernements d’Europe centrale qui sont les porte-paroles, non seulement de leurs peuples, mais aussi, de plus en plus, des opinions publiques de toute l’Europe, elle sera balayée d’ici quelques années.
Mais il y a une deuxième raison pour laquelle Emmanuel Macron ferait bien de ne pas jouer avec le feu de l’Est : diaboliser les gouvernements d’Europe centrale n’a pour effet que de consolider tantôt l’atlantisme (cas de la Pologne et des pays slaves), tantôt l’inclination vers Moscou (cas de la Hongrie). Un jeu aussi « intelligent » que celui consistant à pousser la Russie dans les bras de la Chine par la politique des sanctions occidentales…
Réconcilier les peuples avec l’Europe
Nos alliés américains qui veulent empêcher l’émergence d’une Europe-puissance indépendante au profit d’un bloc transatlantique otanisé, peuvent donc se frotter les mains. D’un côté Steven Bannon fait sa tournée pour financer les souverainistes aux élections européennes de mai 2019, avec pour seul objectif que de faire sauter l’Union, de l’autre les « progressistes européens » servent le même objectif en érigeant un nouveau « Rideau de fer » idéologique entre l’Est et l’Ouest.
Il est donc urgent, en France, qu’une droite de gouvernement refondée se fasse entendre avec un discours clair : l’Union européenne respecte les nations européennes, toutes les nations avec toutes leurs différences, en même temps qu’elle consolide la puissance et l’indépendance de la civilisation européenne. Notre Europe est l’héritière de la Grèce, de Rome, du christianisme, des Lumières, et en son sein, lové au plus profond de son identité historique, le judaïsme européen occupe une place toute particulière, qu’il faut défendre car lui aussi est menacé par la montée du totalitarisme islamique.
La réconciliation des peuples européens avec l’Union européenne passe par ce discours à la fois fort et clair, en même temps que par une main tendue à nos frères de l’Est. Les vrais pro-Européens, dont je fais partie, doivent œuvrer à l’unité européenne et non à l’édification d’un nouveau Rideau de fer idéologique.
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