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Quand Jupiter s’embourbe


Quand Jupiter s’embourbe
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président Macron, vendredi 7 janvier 2022 à Paris © Michel Euler/AP/SIPA

Dans un entretien avec les lecteurs du journal Le Parisien, le chef de l’État affirmait mardi vouloir « emmerder » les non-vaccinés. Aux côtés d’Ursula von der Leyen, le président Macron a confirmé hier « assumer totalement » ses propos


Incroyable. Inimaginable. On n’a jamais entendu, sous la vulgarité du propos, semblable bassesse de la pensée. Voire une telle indigence. À croire que Jupiter, qui rend fous ceux qu’il veut perdre, a retourné contre lui-même ses propres armes. Qu’il a vacillé de son trône, abandonné les hauteurs de l’Olympe pour se vautrer dans les bas-fonds. On le croyait, jusqu’ici, auréolé d’une manière de vernis. Capable  en tout cas, de conserver assez de maîtrise langagière pour s’abstenir d’user d’un vocabulaire ordurier. Ne fût-ce que pour se distinguer d’un vulgum pecus pour lequel un homme de sa qualité ne saurait éprouver que dédain.

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Donc, le président, loué soit son nom, « a envie d’emmerder » certains de ses compatriotes. Ou de ses sujets. Étrange désir. À vrai dire, il est déjà surprenant que Celui que les Français ont placé à leur tête exprime ses envies. Elles pourraient être banales, du genre « j’ai envie d’un bon plat de boudin aux oignons ». Elles ne sont que nauséeuses. Ses envies le ramènent, en somme, dans un univers familier dont tout laisse penser qu’il ne s’est jamais extirpé, en dépit des apparences : celui de la fange. La scatologie le rattrape à grands pas. Sa vindicte, son courroux s’expriment sans fard contre ceux qu’il considère comme ses ennemis et qui, par là-même, n’ont droit à nul respect. Étrange façon de se rabaisser soi-même.

Quant au fond, il est, à l’évidence, plus révoltant encore. Il repose sur un postulat, la toute-puissance absolue du pouvoir qui ne saurait tolérer aucune objection, aucune contestation. Magister dixit. Même l’infaillibilité pontificale, souvent stigmatisée comme symbole d’absolutisme, avait ses limites. Elle se bornait au seul domaine théologique. Ici, le président détient la vérité absolue, y compris dans un secteur où celle-ci ne saurait exister, celui de la science. Les palinodies successives des scientifiques, les caprices de vaccins dont l’efficacité se révèle à l’usage des plus relatives, la promptitude avec laquelle sont muselés tous les spécialistes qui se permettent le moindre doute sur la doxa officielle, tout cela montre qu’en dépit des rodomontades, le pouvoir navigue à vue. Il se cramponne à des certitudes au mépris de la sagesse la plus élémentaire. Il sollicite, ou plutôt exige des Français une soumission pleine et entière, quitte à sacrifier la liberté individuelle. Nul appel à la sagesse, à la conscience de chacun. Il s’agit seulement d’obéir, toute question de liberté individuelle n’étant justiciable que d’un coup de balai de latrines.

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Il est juste d’associer à ce comportement indigne la meute des suiveurs confits en dévotion, zélotes du despote. Ainsi des ministres, à commencer par le pantin grotesque qui est, paraît-il, le premier d’entre eux. Et l’on n’aura garde d’omettre Sa Suffisance le ministre de la Santé, ni le falot porte-abois du gouvernement, tous prompts à relayer, avec semblable arrogance, les propos scandaleux de leur maître. Décidément, l’année qui s’ouvre sera nauséabonde ou ne sera pas.

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Journaliste et écrivain, a enseigné les lettres classiques au lycée et l'histoire du jazz à l'université.

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