«Honte à eux ! (…) Israël l’emportera avec ou sans leur soutien», s’agaçait Benjamin Netanyahou, samedi 5 octobre, après avoir pris connaissance des propos tenus par Emmanuel Macron diffusés un peu plus tôt sur France inter («Je pense qu’aujourd’hui, la priorité, c’est qu’on revienne à une solution politique, qu’on cesse de livrer les armes [à Israël] pour mener les combats à Gaza»). Le Premier ministre israélien se console depuis auprès du président américain Joe Biden, lequel le presse toutefois à «réduire au maximum l’impact sur les civils» lors de ses frappes au Liban. Analyse.
Le 7 octobre, le président Macron a reçu à Paris les familles d’Ohad Yahalomi et Nissan Kalderon, les deux otages français enlevés à Nir Oz et encore détenus par le Hamas. Il leur a dit sa compassion et les a assurées qu’il mettait tout en œuvre pour obtenir un accord permettant leur libération. Mais, par un en même temps dont pour une fois il n’était pas l’auteur, quelques heures plus tard le nom d’Emmanuel Macron a été sifflé au cours d’une cérémonie commémorative organisée par le Crif empreinte d’émotion, de dignité et de clarté.
Preuve de désamour
C’est en raison de cette clarté que, moi qui suis choqué par l’idée qu’on puisse siffler le nom du président de la République, moi qui ai apprécié plusieurs de ses initiatives telle la cérémonie d’hommages organisée aux Invalides, j’ai considéré que ces sifflements étaient compréhensibles sinon justifiés.
L’allocution du président prononcée deux jours auparavant avait ulcéré tous les amis d’Israël, Juifs ou non Juifs: il y avait déclaré que la priorité était désormais de cesser toute livraison d’armes à Israël.
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Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. Il ne suffit pas de dire ensuite comme le ministre des Affaires étrangères que la « France est indéfectiblement attachée » à la sécurité d’Israël, si la France pense que désarmer Israël est le meilleur moyen d’assurer sa sécurité. Ces mots ont été dits sur le site du festival Nova, de sinistre mémoire. Qui pouvait les croire après la déclaration présidentielle ? Qui pourrait espérer que le Hamas, voyant Israël affaibli, accepterait plus facilement des concessions pour libérer les otages? Car, quoi qu’on pense de la façon dont le Premier ministre israélien a géré la négociation sur les otages et quoi qu’on imagine de ses arrière-pensées, c’est l’intransigeance du Hamas qui a bloqué toute perspective.
Depuis le 7 octobre 2023, Israël est en guerre. Il est en guerre contre le Hamas et contre le Hezbollah qui par ses tirs lancés dès le 8 octobre a rendu le nord d’Israël inhabitable. Israël n’est en guerre ni contre le peuple palestinien, ni contre le peuple libanais, malgré les paroles parfois violentes de mise en garde. Les Israéliens se disputent sur le degré de priorité à attribuer aux otages, mais ils sont d’accord sur la destruction de la machine guerrière du Hamas et du Hezbollah, car ils savent ce que beaucoup refusent de comprendre: avec un fanatique, la diplomatie sans la force ne fonctionne pas.
Deux jours après l’attaque des bipeurs, Emmanuel Macron, dans un discours qui se voulait solennel, parlait comme si le Liban, et non le Hezbollah, avait été la cible de cette attaque. Il appelait à l’élection d’un président en oubliant que la France soutenait Soleimane Frangié, le candidat même du Hezbollah… Il ne prononçait pas le mot Hezbollah, comme si ce dernier n’était pour rien dans la déconfiture libanaise et comme s’il ne s’agissait pas d’un parti iranien voué à la destruction des valeurs dont se réclame notre société.
Incongruités
Il ne voulait pas admettre enfin qu’en frappant le Hezbollah, Israël faisait ce que la France n’avait pas osé faire après que celui-ci eut assassiné 58 parachutistes de notre pays. Outre sa conception très particulière de la défense indéfectible d’Israël, le président Macron a commis au moins quatre autres incongruités en appelant à ne plus livrer d’armes à Israël.
– La première se passe de commentaire: la France ne livre aucune arme significative à Israël ;
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– La seconde, qui en est le corollaire, car c’est une leçon de morale que la France prétend aux États-Unis et au monde entier et c’est là une posture dont elle est trop coutumière… (« Si on appelle à un cessez-le-feu, la cohérence c’est de ne pas fournir les armes de la guerre ») ;
– La troisième est une incongruité de temps: prononcer un tel discours à 48h de la commémoration d’un acte terroriste d’une telle ampleur et d’une telle sauvagerie évoque soit l’autisme, soit la muflerie désinvolte ;
– La quatrième enfin est une incongruité de lieu. Le discours présidentiel a été prononcé au cours du XIXe Sommet de la Francophonie. Or l’Organisation Internationale de la Francophonie à laquelle appartiennent 88 pays, dont pour certains le nombre de francophones se compte sur les doigts d’une main, n’inclut pas Israël dont près de 20% de la population a un lien avec la langue française. La France, qui a pourtant signé la charte de l’iHRA indiquant que l’antisionisme est une variante d’antisémitisme, ne voudrait pas heurter son cher Liban. Ce lieu de la démission française n’était pas le meilleur pour appeler Israël à désarmer.
Netanyahou se console auprès de Biden et Starmer
Le en même temps, qui apportait tant d’espoirs au début du mandat présidentiel, semble s’être transformé en ce qui dans la littérature grecque s’appelait une palinodie, une pièce de vers dans laquelle le poète disait le contraire de ce qu’il avait dit précédemment.
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L’exaspération d’Emmanuel Macron devant le flagrant refus de Benjamin Netanyahou de prendre en compte ses conseils est peut-être un des motifs de sa déclaration. Il avait d’autres moyens de le faire savoir que ces paroles théâtrales d’embargo contre Israël auxquelles le Premier ministre britannique lui-même n’a pas souscrit. L’entretien entre MM. Netanyahou et Biden du 9 octobre montre que les États-Unis expriment leur point de vue, mais qu’ils ne cherchent pas à exercer de chantage à l’embargo sur les armes. Nul n’ignore pourtant les tensions entre le président américain et le Premier ministre israélien dont l’adresse télévisée du 8 octobre sur le Liban a soulevé des torrents de critiques.
J’espère que les paroles spectaculaires du président de la République française n’avaient pas de visée électoraliste. Le 5 octobre 2024, elles ont en tout cas blessé inutilement et probablement durablement une communauté juive encore sous le choc de la terreur du 7-Octobre.
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