Le Conseil des ministres prévu ce mardi est annulé. La réunion du Conseil national de la refondation prévue demain, aussi. À la place, le président Macron consulte les patrons des partis politiques susceptibles de l’aider à gouverner après la perte de la majorité à l’Assemblée nationale…
Le président de la République a perdu son triple pari dont il espérait la réussite : prenant les Français et les oppositions de haut, il attendait cependant une éclatante victoire. Tout faux.
Pas de majorité absolue, loin de là. Il n’a pas battu en brèche l’extrémisme de gauche ; pas plus que l’extrémisme de droite, comme récemment il les a appelés. Il les a au contraire amplifiés. Mais contrairement à tous ces donneurs de conseils et d’avertissements à Emmanuel Macron depuis le 19 juin au soir, je me garderai bien de sous-estimer la capacité d’inventivité du président et, entre roueries et intelligence tactique (même si depuis sa réélection il semble qu’elles lui ont fait défaut), son aptitude à tirer de cette crise gravissime pour lui et son camp une aubaine.
Le Rassemblement national est devenu le premier parti d’opposition à l’Assemblée nationale, le front républicain – depuis toujours, véritable offense à une démocratie authentique – a volé en éclats parce que d’abord l’anti-macronisme a effacé toutes les frontières traditionnelles. C’est la validation de la stratégie de Marine Le Pen et l’échec à retardement des intuitions d’Éric Zemmour. Celui-ci pense souvent juste mais a agi et a manœuvré de travers. Je suis sûr que ce groupe de 89 députés cherchera à se distinguer, par rapport à LFI, par une tenue et une retenue qui trancheront, espère-t-il, avec le comportement débridé (euphémisme !) des députés LFI.
Le roi est nu
La Nupes a 131 députés, loin de ses espérances initiales et de certains sondages la plaçant beaucoup plus haut. La diabolisation faite par le pouvoir, la personnalité très clivante de Jean-Luc Mélenchon et ses propos irresponsables sur la police ont sans doute participé à cette réduction. Il n’empêche qu’aussi relatif qu’il soit, il y a là un succès de la gauche et de l’extrême gauche avant que la seconde étouffe la première.
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Les Républicains ont fait bien mieux que sauver les meubles. Les traîtres sont déjà partis et j’y inclus Nicolas Sarkozy. Les lucides, fidèles et irréprochables, qui demeurent n’auront pas pour vocation de secourir la majorité si relative d’Emmanuel Macron (avec un discours hallucinant de déni d’Elisabeth Borne le 19) au moment précis où le président aura révélé ses limites et le caractère fugace de ses desseins. On ne va pas aider le roi à se rhabiller quand enfin le constat qu’il est nu est sans équivoque. Ou, alors, il faudrait que le pouvoir change radicalement son logiciel, fond, forme et personnalités ministérielles. Le fiasco du « en même temps » a consacré l’absurdité de cette démarche pour l’efficacité de l’action : revenir évidemment à cette notion toute simple de mettre en œuvre ce qui est nécessaire pour la France : justice, sécurité, ordre public, éducation, diplomatie et sauvegarde de l’identité nationale principalement.
Plutôt l’affrontement politique que la violence civile !
Je ne crois pas que ce retour de la France réelle à l’Assemblée nationale avec cette proportionnelle de fait quoique incomplète et inachevée entraînera une agitation complémentaire dans la rue comme le pense Dominique Reynié. Plutôt l’affrontement politique que la violence civile. Sauf à considérer que dans les abstentionnistes il y aura un pourcentage d’irréductibles tellement hostiles à la vie et au pluralisme parlementaires qui continueront un désordre contre toutes les forces officielles et les instances civilisées.
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Contrairement à ces pessimistes qui nous annoncent un pays ingouvernable, je crois que nous aurons une France qui devra être forcément gouvernée autrement. Le président, lors son investiture récente, s’était engagé à offrir au peuple une nouvelle manière de présider, une autre pratique politique. On a bien pu constater que cette promesse était vide de sens mais l’ironie du sort va le contraindre à réaliser ce qui pour lui, de son plein gré, serait demeuré lettre morte. Ce ne sera pas une catastrophe pour notre pays de ne pas quitter totalement l’absolutisme d’un pouvoir présidentiel mais de le compléter, de le limiter, de le réduire par une vie parlementaire qui retrouvera enfin ses droits. J’apprécie que l’obligation du compromis et du dialogue, aussi alternatifs et contrastés qu’ils soient, ait pour vocation de se substituer à la faillite républicaine d’une majorité, hier inconditionnelle et sans saveur. Une Cinquième République qui desserrera son corset et ce sera très bien. À condition qu’Emmanuel Macron l’accepte et n’y voie pas un handicap, une insupportable entrave au lieu d’y voir une chance de meilleure respiration démocratique.
Le futur nous renseignera vite.
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