Samedi, le président sortant, candidat à sa réélection dimanche prochain, réunissait ses soutiens à la Défense. Tant sur le fond que sur la forme, son discours annonçait la poursuite d’une politique ultra-progressiste et « disruptive » pour les cinq prochaines années.
Il lui a fallu, finalement, descendre, dans l’arène, à cause de Marine le Pen, de « l’extrême droite » et de la courbe des sondages. Autrement, on l’aurait soupçonné de refuser de débattre. Et puis, il y a l’affaire McKinsey.
Cinq ans de plus, pour quoi faire ?
Le discours fut décousu, répétitif. Sans la guerre en Ukraine, le candidat était-il dépaysé ? Croyait-il à sa baraka ou n’avait-il pas travaillé son discours, pensant que son apparition dans la salle obscure suffisait ? En tout cas, jamais le président ne nous avait habitués à pareil délire, au sens étymologique : qui sort de son sillon. Et revêtir son habit de lumière pour une scène avec fumigènes et projections n’a pas suffi à créer de la magie malgré les drapeaux et la répétition de « mes amis. » Loin de la partition de la cour du Louvre, de la Sorbonne, de Versailles, on était loin, également, du flûtiste de Hamelin conjurant les peurs extrémistes. Ce fut punk. Et l’électrochoc attendu n’a pas eu lieu.
Un nouveau quinquennat, disait-on ? Pour quoi faire ? Des progrès, pardi ! Bilan, projet, tout devait être présenté avec clarté, et enthousiasmant. Work in progress !
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Chaque parole était coupée d’applaudissements dans une salle surchauffée. Par quel bout commencer ? Le candidat avait tout mis dans un sac, secoué et jeté les confettis sur la salle. A chaque interrogation pour un projet participatif, une réponse ajustée, « nous l’avons fait » en parcourant la salle à grands pas. Le bilan 2017-2022 ? Economie, société, éducation, sécurité, valeurs ? « Nous l’avons fait » ! La PMA pour toutes, vous la vouliez ! « Nous l’avons faite ! » Shocking ! La protection contre la pandémie ? « Nous l’avons faite ! » L’horizon 2022 ? Nous le ferons ! Plus haut, plus loin, plus fort ! Voyez les drapeaux européen et français dont tremblent d’espoir les étoiles ! Ma France ? Jamais sans l’Europe ! L’Europe ? Toujours, avec ma France ! Avec ses valeurs, l’égalité des sexes, l’intelligence artificielle, notre culture, l’humanisme, la non-discrimination, le pouvoir d’achat, notre ouverture (le contraire du racorni, du rance, du moisi), l’écologie, notre gastronomie… la laïcité, vive le Ramadan ! J’oublie le Carême ? Le candidat regarde les preux du premier rang — Ferrand, Bayrou, Pompili— qui se regardent les uns les autres pour vérifier qu’ils ne rêvent pas. Et que tout le monde applaudit.
Peur surjouée
Tout cela aurait été jouissif en un autre temps, dans d’autres circonstances. Le discours n’en finit pas. Comment finir, justement ? L’appel à la salle, avec l’anaphore, pardi ! Mais, d’abord, une inquiétude. Vous croyez que tout ce que je vous dis est acquis ? Que nenni ! Frisson dans les premiers rangs. Il faut lutter partout et toujours ! L’appel au combat arrive, enfin, de loin venu dans la gorge. Vous voulez une France forte ? Oui ! Qui protège ! Oui ! Alors, rejoignez-moi ! Oui ! Oui ! Oui !
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On était loin, ce soir, de l’exaltation messianique de 2017. Arpenter la scène ne suffit pas, les amis. Le président avait voulu, dit-on, « un contact charnel » avec le peuple. La Marseillaise résonna, chantée, les yeux fermés, sourire aux lèvres. On pensait au tableau du Caravage : Narcisse se mirant dans l’eau.