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Face à Notre-Dame, Macron réagit comme Hollande

Et ce n'est pas bon signe pour lui...


Face à Notre-Dame, Macron réagit comme Hollande
Emmanuel Macron en avril 2019, François Hollande en mars 2017. ©Thibault Camus/AP/SIPA / AP22027680_000007 / AP22327547_000013

Face à l’incendie de Notre-Dame de Paris, Emmanuel Macron a agi comme François Hollande face à l’attentat terroriste contre Charlie Hebdo : par une politique d’évitement. Quand l’Histoire toque à la porte, l’incapacité du président à incarner l’union nationale signe sa défaite à venir.


François Hollande a commencé d’échouer son quinquennat avec l’attentat contre Charlie Hebdo. Emmanuel Macron risque bien de naufrager le sien avec l’incendie de Notre-Dame de Paris. Ni Hollande ni Macron n’ont compris qu’avec Charlie Hebdo et Notre-Dame de Paris, ils devaient être à la hauteur d’un puissant marqueur de l’identité nationale. L’inadaptation de la réponse a été à l’origine de l’échec de l’un comme elle pourrait être à l’origine de l’échec de l’autre.

La politique de l’évitement

2015, n’est pas si ancien. Rappelons-nous la sidération qui a saisi les Français – et le monde – quand les frères Kouachi ont assassiné les dessinateurs et journalistes de Charlie Hebdo aux cris de « Allahou akbar ». Quelle a été la réaction de François Hollande face à cet acte de guerre ? L’évitement ! Au lieu de riposter politiquement et militairement à un islamisme en guerre contre la liberté d’expression et le droit au blasphème, François Hollande a monté une manifestation monstre mais totalement vide de contenu. Au lieu d’incarner la résistance d’un pays attaqué dans ses fondamentaux, François Hollande a cherché à canaliser l’émotion pour la déporter au loin, très loin, vers un ailleurs sans nom.

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Bref, au lieu d’agir comme sa fonction à la tête de l’Etat aurait dû l’y contraindre, François Hollande a « communiqué ». Son discrédit politique a commencé le 11 janvier 2015 puis est allé croissant au fur et à mesure des attentats – le Bataclan, le camion de la Promenade des Anglais, le Thalys… Les commémorations – fussent-elles organisées dans la cour des Invalides, les « padamalgame » et le refus de nommer l’agresseur islamiste ne pouvaient suffire.

Eviter la cause

Emmanuel Macron ferait bien de réfléchir avant de pratiquer le même évitement que François Hollande. L’incendie de Notre-Dame de Paris lui a fait déployer les mêmes réflexes, inadaptés. Face à la sidération collective – une sidération mondiale comme pour Charlie Hebdo -, Emmanuel Macron a multiplié les erreurs. La première a été de faire savoir illico que la piste criminelle et/ou terroriste était évacuée. D’emblée, alors que le bâtiment brûlait encore, les médias, suivant les informations en provenance de l’Elysée ou de Matignon, ont (r)assuré l’opinion publique qu’il s’agissait d’un « accident ». L’enquête ouverte par le Parquet le lendemain a confirmé la nouvelle : cette catastrophe historique ne ferait l’objet que d’une recherche sur les causes d’un accident.

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Nul ne connait l’origine de l’incendie. Mais la faute judiciaire a été de borner l’enquête à la seule recherche d’une ou des causes accidentelles ; tandis que la faute politique a été de renoncer a priori à l’acte de malveillance (criminelle ou terroriste). Un renoncement pour le moins étrange quand chacun sait que Notre-Dame est depuis toujours une cible pour terroristes islamistes et qu’une tentative d’attentat a déjà été déjouée. Ce renoncement à l’ennemi – le vandale ou le terroriste – est d’autant plus suspect que les violences contre les lieux de culte catholiques augmentent d’année en année. L’incendie de Saint Sulpice, le saccage de Notre-Dame de Lavaur, la destruction d’un vitrail dans la basilique de Saint-Denis n’étaient pas des accidents.

Eviter la douleur

La seconde erreur d’Emmanuel Macron a été de s’abstraire de la douleur collective. Le 15 avril, le président a tweeté une « pensée à tous les catholiques et tous les Français ».

Les termes mêmes des condoléances que l’on adresse à des personnes que l’on connait mais dont on ne partage pas le deuil. Emmanuel Macron ne serait-il ni catholique ni Français ? La destruction de Notre-Dame de Paris ne lui est-elle pas apparue comme une tragédie nationale ? Le rôle du président  n’est-il pas d’incarner l’union nationale dans ce qui est précisément le cœur d’une tragédie collective ? Les Grecs et les Romains appelaient l’étranger « barbare », celui qui, au-delà du limes (le mur), ne possède pas les codes de la cité, ni ne participe à son système de croyances. Emmanuel Macron ferait bien de prendre garde à ne pas être perçu comme un « barbare » de l’intérieur.

Eviter le deuil

La troisième erreur grave d’Emmanuel Macron est d’avoir négligé le deuil. A ces Français qui avaient conscience d’une perte irrémédiable, à ces citoyens qui ont vu flamber une part de leur être religieux, national, culturel, historique et linguistique, le président a dit en substance, le 16 avril : « Allons, allons, ne vous morfondez pas, la cathédrale sera reconstruite en plus belle et en cinq ans, je m’y engage. » La promesse d’un spectacle architectural plus divertissant encore que feu Notre-Dame de Paris était plus qu’une maladresse. Elle pourrait bien être à ranger au dossier des petites phrases insultantes dont notre président a le secret chaque fois qu’il s’adresse à la population.

Ne pas incarner la tragédie, évacuer la piste de la malveillance ou du terrorisme, promettre une cathédrale du futur « plus belle encore » sont des gestes politiques qui interrogent. Pourquoi une telle indifférence, pourquoi une telle précipitation ? La réponse est malheureusement simple : s’il s’agit d’un crime (politique ou non), les Français s’uniront pour réclamer justice. S’il s’agit d’un accident, la politique spectacle peut continuer.

Eviter l’identité

Faire de la destruction de Notre-Dame de Paris une non-affaire, transformer sa réfection en spectacle, éclairent d’une lumière crue l’inaction qui est au fondement de la conduite étatique, à gauche comme à droite, dans la mondialisation. Ne rien faire est le meilleur moyen de laisser le vieux monde des nations européennes se détricoter pour qu’émerge un monde nouveau, sans frontières, sans ancrages culturels, un monde de non-citoyens uniquement préoccupés de climat et de droits de l’homme.

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Comme le soulignait Pierre Manent dans Situation de la France, la passivité face au détricotage du monde a pour corollaire une immense énergie déployée pour piloter nos perceptions. Nos gouvernants « procèdent comme si la vie sociale était un spectacle et comme si les parties du corps politique étaient des objets dont la perception pouvait être commandée : la politique devient mise en scène ».

Communiquer n’est pas durer

Malheureusement pour les politiques, l’énergie qu’ils déploient pour transfigurer la réalité – présenter la destruction de Notre-Dame de Paris comme une « opportunité » (« plus belle », « créatrice d’emplois »…) -, affermit la conviction qu’en laissant attenter au passé, c’est à l’identité des Français d’aujourd’hui qu’on attente. « Par des gestes et des paroles de plus en plus emphatiques, ils s’échinent à nous montrer ce qu’ils nous commandent de ne pas voir », dit Manent.

La cote de popularité de François Hollande était remontée provisoirement après la manifestation du 11 janvier 2015 ; celle d’Emmanuel Macron aurait, paraît-il, commencé de redresser son bec après ses annonces sur Notre-Dame de Paris. Mais les sondages sont un leurre que les dieux envoient aux dirigeants pour les tromper. Quand l’Histoire frappe à la porte, la communication n’est d’aucune utilité. François Hollande n’a toujours pas compris qu’on n’abuse pas longtemps les peuples quand une menace vise leur identité. Emmanuel Macron non plus.

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