Ce n’est pas parce que la droite est tétanisée par le désastre que des mauvais augures lui annoncent depuis longtemps, et que sa passivité serait susceptible d’engendrer, qu’il convient de faire profil bas.
Et de ne pas dénoncer le macronisme quand, de manière cynique, il fait déborder la coupe de la démagogie.
En marche vers 2022
Ainsi un mandat présidentiel presque à son terme ne serait qu’une sorte de buffet dont on ouvrirait un tiroir après l’autre, le dernier récent étant empli de sécurité, et de sévérité d’ailleurs toute relative. Toute coïncidence avec l’approche de l’échéance de 2022 étant évidemment purement fortuite ! Il suffirait donc, après avoir fait preuve durant quatre années de faiblesse régalienne et de mansuétude dans la gestion de l’ordre public, de virer de bord, sur un mode précipité qui n’abusera que les naïfs, pour devenir soudain crédible dans un domaine capital où on a usé du verbe en économisant l’essentiel : l’autorité.
Deux visions différentes de la France
La double page du Figaro est surréaliste où le président questionné de manière « paisible » – un adjectif qui serait son ambition pour la France : comme on en est loin ! – expose ses conceptions et son bilan qu’il loue dans le domaine de la sécurité et de la Justice, pour la police et les prisons. Il a sa « France » et nous on a la nôtre qui à vue de citoyen n’est pas du tout la même ! Je relève, dans ses réponses, son goût du verbe, son appétence pour le commentaire qui pourrait séduire la gauche avec ses considérations sociologiques, la surestimation de son action et le caractère provocateur d’annonces in extremis, comme si on n’aurait pas dû en bénéficier bien avant. Je voudrais mettre en évidence à nouveau sa double intervention sur l’affaire Sarah Halimi puisque, paraît-il, il veut « hâter une réforme sur l’irresponsabilité pénale ».
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Je suis persuadé qu’au lieu d’apaiser, cette sortie de son champ de compétence n’a pas été sans incidence sur l’arrêt rendu par la Cour de cassation mais surtout a exacerbé des réactions que pour ma part j’ai trouvé scandaleuses, par exemple celle d’Arthur. Il y a là un mélange dévastateur de démagogie présidentielle et d’ignorance indignée !
Se mêlant de cette procédure en faisant à chaque fois connaître son sentiment – que n’aurait-on pas dit si Nicolas Sarkozy ou François Hollande avait eu la même indécence ? -, le président Macron s’est bien gardé de commenter l’arrêt de la cour d’assises de Paris, avec cinq condamnations et huit acquittements, pour les crimes à Viry-Châtillon où des policiers ont été attaqués et brûlés. Étranges immixtion d’un côté et abstention de l’autre ! Le Premier ministre dans la foulée a été envoyé en Alsace pour défendre le bilan du président et nous faire part de la « lente croissance des places de prison« , jusqu’à 15 000, promet-il ! Si le programme se réalise, sera-t-il encore là ? Jean Castex, dont on ignorait l’appétence pour les sanctions disciplinaires, a osé saisir à nouveau le Conseil supérieur de la magistrature qui l’avait débouté au sujet de Patrice Amar, le magistrat du PNF en mauvais termes avec sa chef Éliane Houlette.
En même temps
Il est clair que nous avons une action à bride abattue pour créer l’illusion d’un pouvoir qui aurait été conscient depuis le début des exigences régaliennes, alors que les Français n’ont cessé de constater dans leur quotidien les errements et les abstentions de cette présidence dure avec les faibles et molle avec les forts. Dont le « en même temps », n’arrêtant jamais son cours, fait se succéder rigueur proclamée et impuissance concrète.
Il est navrant de devoir faire fond sur Aurélien Taché pour incriminer le simulacre, quand il dénonce « de la poudre aux yeux pour aller chasser sur les terres de la droite ». Avec cette nuance importante que cette dernière ne s’en prend pas au chasseur…
Trop c’est trop
En réalité le président veut « occuper le terrain » parce que probablement il partage l’appréciation fine de Jérôme Fourquet : « L’exaspération face à la délinquance influera sur le résultat de la présidentielle » et qu’il considère qu’il ne serait pas inutile, tout en dépouillant la droite, de rabaisser le RN dans ce qui a toujours été son domaine d’élection et qui fait l’objet d’une approbation majoritaire. Il paraît qu’il est de bonne guerre pour un président qui craint de n’être pas réélu face à Marine Le Pen, de commencer sa campagne prématurément – les images à la fois idylliques et ridicules de Montpellier où dans un environnement pacifié Emmanuel Macron a fait preuve d’une écoute ostensiblement patiente ! – et de feindre de continuer une lutte qu’il vient à peine de commencer. Ce n’est pas le couple improbable Darmanin/Dupond-Moretti qui va rassurer !
Ces péripéties qui ont commencé avec Le Figaro sont cousues de fil présidentiel et elles se développent sans que le cynisme utilitaire de l’opération soit vraiment mis en cause.
D’autant plus qu’Emmanuel Macron ne change pas à l’étranger : il a déclaré qu’il « faut déconstruire notre Histoire » et que malheureusement la réalité ne change pas en France : nuits d’émeutes à Tourcoing, manifestations des policiers contre l’arrêt de la cour d’assises de Paris, un bus incendié en marge de violences urbaines à Sartrouville, augmentation des agressions, pourquoi les délinquants de gêneraient-ils puisqu’ils ont l’intuition, dans leur obtuse malfaisance, qu’on les laisse faire ? au mieux un deux poids deux mesures, au pire un État qui regarde passer les délits et les crimes, préférant entraver ses protecteurs que châtier ses agresseurs.
Quand le président affirme : « Je me bats pour le droit à la vie paisible », il se moque de nous. Quel rêve virginal pour une France dans l’angoisse et à l’abandon ! Il se bat mal ou, pire, il fait semblant de se battre. Pour gagner encore.
Mais trop c’est trop !
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