Le « grand débat » dure et dure et dure, Emmanuel Macron parle et parle et parle. Même de détails dont un président ne devrait pas avoir à discuter. S’il a repris la main, Jupiter s’est transformé sans s’en rendre compte en son « normal » prédécesseur.
Rendu groggy par la persistance de la crise des gilets jaunes, Emmanuel Macron a fini par reprendre la main. Réconforté par le succès de son premier débat public, il a décidé de récidiver à intervalles réguliers. Depuis, la contre-offensive a pris son rythme de croisière. Devant des parterres médusés et pleins de déférence, le président soutient maintenant plusieurs débats par semaine.
Macron, une « remontada » et un malaise
Les Français, beaux joueurs et surpris par ces performances, lui ont accordé dans un premier temps le bénéfice du doute. Etant remonté légèrement dans les sondages, Emmanuel Macron est ainsi devenu le principal acteur du « grand débat » que les gilets jaunes appelaient de leurs vœux. Il espère, de la sorte, pouvoir récupérer la mise au terme de la parenthèse de cet épisode inédit. Mais ne s’illusionne-t-il pas ?
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En s’invitant dans les débats publics, le président a d’abord semblé vouloir accuser réception de la révolte des ronds-points. Puis, devant le succès de ces « one man show », il en a escompté une « remontada » dans l’estime des Français. Cependant, malgré sa dextérité à maîtriser les dossiers, une impression de malaise commence à s’installer. A quoi est-elle due ? A ce que le président prenne la place de ses ministres ? A ce qu’il transforme un « débat » en monologue ? A ce qu’il argue d’une réponse à ses concitoyens pour faire campagne sans l’avouer ? Il y a un peu de tout cela dans l’impression mitigée laissée par les prestations présidentielles. Mais la cause indéfinie du malaise qu’elles suscitent prend racine à un niveau plus profond.
Jupiter, ce représentant de commerce
On attendait Jupiter, et on a droit au mieux à un planificateur, au pire à un voyageur de commerce vantant ses articles. Est-ce le rôle d’un président que d’entrer ainsi dans les détails ? De parler comme un technocrate ? Et de parler autant ? Ne nous avait-il pas promis une parole rare après les commérages irrépressibles de François Hollande avec les journalistes, et l’attirance de Nicolas Sarkozy pour les feux médiatiques et le dernier fait divers défrayant la chronique ?
Mais ce ne sont là encore que des questions de forme. Il faut interroger ce que cachent en creux ces interminables « débats publics » présidentiels. Ce qui en ressort, c’est son absence de vision à long terme pour le pays. La tête dans le guidon, le président semble ignorer lui-même où il mène le pays. A vrai dire, le terme « mener » est inapproprié. Emmanuel Macron ne mène pas le pays, il le gère. Il reproduit la même erreur que Nicolas Sarkozy et se transforme en super-Premier ministre.
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En descendant dans l’arène, il prend le risque de devenir un citoyen comme un autre. Or, il est le président. Celui qui incarne l’unité de la nation. Qu’il le veuille ou non, il n’est pas un Français comme les autres. Le président « normal » François Hollande l’aura appris à ses dépens. Cette attitude est d’autant plus décevante de la part d’Emmanuel Macron qu’il nous avait promis de rétablir la « verticalité » de la fonction.
Qui trop palabre mal étreint
Sans doute a-t-il un grand projet pour la France. Mais on ignore lequel. Tantôt il fait l’éloge de son passé, tantôt il la traite en start-up. Tantôt il fait le panégyrique de Jeanne d’Arc, tantôt il entre dans le détail du calcul de péréquations fiscales, auxquelles personne ne comprend rien, pour la commune de Fouillis-les-Oies. Emmanuel Macron ressemble à ces personnes qui parlent continuellement dans le seul but de saturer l’espace sonore afin de ne pas aborder les questions qui fâchent – comme l’immigration par exemple.
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Paradoxalement, cette implication du président finit par rendre sa politique illisible. Celle-ci, noyée dans les détails, ne dégage aucune grande ligne qui permettrait aux Français de savoir où il désire les amener. Pour ne rien arranger, à cette logorrhée s’ajoute le durable et fameux leitmotiv « et en même temps » qui fait de l’ambiguïté le principe même d’une politique désirant transcender l’ancienne opposition droite-gauche.
Au bout du compte, Emmanuel Macron n’est-il pas ébloui par sa propre dextérité au point de confondre dialogue avec les Français et grand oral de l’ENA ? Il faut lui reconnaître une virtuosité peu commune. Mais, sous la Ve République, le président doit fixer un cap, non résoudre les problèmes d’intendance. A moins que l’accent mis sur les seconds ne cache l’inconsistance du premier.
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