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Macron, Ballon d’or des critiques

Un président de la république peut-il s'amuser?


Macron, Ballon d’or des critiques
Emmanuel Macron lors du match avec le Variétés club de France, le 14 octobre 2021 à Poissy. © FRANCK CASTEL/MPP/SIPA. Numéro de reportage : 01044043_000085

Les critiques acerbes qui ont fait suite à la soirée organisée à l’Elysée après le match de football caritatif auquel a participé Emmanuel Macron, soulèvent un vieux problème particulièrement français. L’exercice du pouvoir doit-il être représenté et incarné jusque dans la vie privée?


Un président de la république peut-il s’amuser? Cette interrogation peut apparaître futile et sans intérêt mais pour moi elle a du sens, car elle permet d’analyser la difficulté d’être président sous le regard de citoyens de plus en plus vigilants ou jaloux ou aigris ou malheureux. En tout cas, pour beaucoup, impitoyables à l’égard de tout ce qui pourrait représenter un détournement de ses devoirs par Emmanuel Macron.

Le 14 octobre à Poissy, le président a participé à un match dans l’équipe du Variétés Club de France pour l’opération caritative des pièces jaunes. Il a marqué un penalty dans des conditions moins complaisantes que celles offertes à Valéry Giscard d’Estaing lors d’un match il y a des années.

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Malveillance acide

En dépit de la finalité généreuse, on pourrait déjà se demander si la présence d’Emmanuel Macron dans une telle compétition était bien nécessaire et adaptée à son statut. Mais la polémique, nourrie et très hostile sur les réseaux sociaux, a surgi parce qu’une soirée a été organisée ensuite à l’Élysée avec un indéniable caractère festif, libations, musique et danse. Même le président s’est déhanché sur I will survive ! Le hiatus entre le caritatif et le somptuaire même relatif peut surprendre. On s’est offusqué de cette fête alors que certains « n’arrivent pas à boucler les fins de mois ». Sur la même veine amère, « pendant que le petit peuple compte ses petites pièces pour ses fins de mois, le roi et ses courtisans se goinfrent sur le dos des gueux ». Et pire encore : « Chez les bourgeois ça se la gave, champagne fête bouffe, et chez nous les prolos on n’a même plus de quoi se mettre le plein d’essence. Et après ça vient demander des efforts au peuple ».

Je comprends ces réactions mais je voudrais pouvoir y résister parce que je les juge outrancières et injustes. Je déteste cette acrimonie vengeresse qui court dans l’Histoire de France depuis longtemps et qui a été portée au comble de l’horreur collective sanglante par une Révolution française déchaînée. Mais cet exemple odieux ne nous a pas guéris.

Ce gouffre entre le futile, le dominant et les privilégiés d’un côté et le dur de l’existence de l’autre, continue sinon de s’agrandir du moins de peser dans l’esprit public. Les réseaux sociaux massacrent au figuré ce que la guillotine tuait au propre. J’imagine comme la vision de cette soirée toute d’allégresse, d’apparente désinvolture, d’oubli de ce que la France silencieuse vivait ou subissait, pouvait susciter de ressentiment jaloux : eux mais pas nous ! Observer le président de la République être tellement accordé à cette joie collective, à l’unisson de cette effervescence, a dû ajouter à la malveillance acide.

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Un président a le droit de vivre

Pour aller au plus vrai et qui ne fait pas de ce billet un exercice vain, dans notre République où tout ce qui est officiel est montré, du grave au ludique, peut-on admettre les moments même rares où un président s’amuse, paraît sortir de sa charge et risque d’être perçu, un temps, comme indifférent à sa mission ?

Emmanuel Macron, comme d’autres le seront sans doute après lui, sera-t-il victime de cet étrange paradoxe où à la fois à l’extérieur il devra s’abandonner au comble de la familiarité et de la proximité – ces selfies qui font illusion en laissant croire au citoyen que le président est tout près de lui – mais où à l’intérieur, au grand jamais, il ne devra donner l’impression de gérer son temps comme un Français ordinaire. Celui-ci, aussi travailleur qu’il soit, a des loisirs, s’abandonne à ce que la vie offre de plaisant. Il n’a rien à cacher tandis que le président de la République se doit d’occulter la part du rire, du divertissement et de la jubilation collective dont en plus il est le créateur. Il n’a pas d’autre ressource que de garder pour soi et à l’abri les moments de bonheur intime que son couple a à partager. Le pouvoir, tel qu’on souhaite aujourd’hui qu’il soit exercé, est plus proche de l’enfer que de la béatitude.

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Mais cela n’empêche pas quelques-uns de revenir régulièrement remettre leur ambition sur le métier et d’autres de tenter leur chance pour la première fois : parce que la « gloire, deuil éclatant du bonheur » pourtant, selon Madame de Staël, reste malgré tout une formidable tentation… J’ai écrit que je comprenais les réactions de ces puritains d’une présidence toujours austère. Mais je m’en veux parce que je crains, tombant dans cet absolutisme de la rigueur permanente, de priver le président d’une disposition capitale : son humanité.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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