Théorie du bordel ambiant.
Le bordel ambiant, la « mobilisation », les grèves et autres manifestations qui occupent actuellement les Français pourraient laisser penser à un naïf étranger débarquant dans notre cher et vieux pays, comme disait De Gaulle, que la nation se bat contre une violente menace, pour un enjeu essentiel. Pour que le « cri de la foule » (comme dit Mélenchon) se substitue violemment à la « voix du peuple » que représentent les assemblées, il pourrait penser qu’il s’agit d’enjeux vitaux comme l’éducation, la santé, la sécurité ou l’identité de la patrie… Expliquons donc à notre visiteur venu de la Perse lointaine qu’il s’agit d’un problème beaucoup plus grave : une prolongation de deux ans de la vie au travail, mesure adoptée par l’Assemblée nationale qui a refusé de censurer le gouvernement sur cette loi !
Le président de la République, bien logiquement, a donné hier midi son point de vue et expliqué ses choix. Hurlement général des mécontents : c’est un scandale, il n’est pas d’accord avec nous !! C’est pourtant le contraire qui aurait été surprenant.
Jean-Luc Mélenchon chef d’orchestre
Bien évidemment, cette surprise, comme tout le reste, n’est qu’une des grotesques péripéties de ce grand concert où chacun doit jouer sa partition. Le bien commun, à l’évidence, n’est plus le souci de personne parmi les musiciens de cette cacophonie. Preuve en est la stupéfiante litanie des réactions aux propos du président de la République. Le registre employé – et c’est ce qui caractérise tristement notre époque – nage totalement dans la subjectivité la plus pitoyable. Personne ne réagit rationnellement en combattant simplement sur le plan des arguments. Au contraire, chacun se sent attaqué dans sa propre petite personne. On ne juge plus les arguments, on impute des sentiments. On fait de la morale.
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Jean-Luc Mélenchon a vu dans l’intervention télévisée du président sa « traditionnelle marque de mépris ». Cet argument du mépris semble beaucoup plaire à tout le monde, y compris à Marine Le Pen qui court derrière le leader de gauche depuis longtemps dans la compétition démagogique. Cette histoire de mépris avait déjà été beaucoup entendue à l’époque des gilets jaunes. Elle est caractéristique de notre nouveau monde, où personne ne peut plus jamais contredire personne sans être aussitôt jugé comme méprisant ou arrogant. C’est tout comme si la nouvelle Inquisition initiée par les « woke » avait gagné tout le champ du débat social et politique : si tu n’es pas d’accord avec moi, c’est donc que tu me méprises (tout comme, par exemple, si tu n’approuves pas le mariage homo tu es homophobe) ! L’air est connu.
Macron, un dangereux incendiaire
Le président des sénateurs PS avait trois mots à la bouche, hier : « suffisance… arrogance… condescendance ». Marine Le Pen a dénoncé d’ « inutiles, blessantes et dangereuses provocations ». La Secrétaire générale des Verts s’est dite « glacée par la démonstration d’autosatisfaction du président Macron », et a dénoncé « des propos méprisants et même offensants ». Certains s’essaient au lyrisme patriotique, comme Olivier Faure, le petit patron du petit Parti socialiste, lequel a dénoncé un président qui « insulte notre histoire en refusant une légitimité à l’expression populaire ». Ce reproche, ridicule et grandiloquent, montre bien le niveau actuel du débat politique. Quant à l’impayable leader syndical Philippe Martinez, on a toujours grand plaisir à le retrouver dans le rôle du Cégétiste éternel qui ne mâche pas ses mots: il a pesté hier contre « du foutage de gueule ». N’oublions pas, enfin, au-delà de tous ces inquisiteurs défendant le respect du bon peuple, les hypocrites, qui accusent Macron de jeter une allumette tel un incendiaire, alors qu’eux-mêmes, ce faisant, soufflent de tous leurs poumons sur la paille qu’ils se plaisent à accumuler comme les poubelles dans les rues de Paris. Olivier Faure : « Macron vide le jerrican sur un brasier qu’il avait déjà allumé ». Mais aussi le LR Aurélien Pradié : « Ne rien changer, attendre, bidouiller, c’est jouer avec le feu ».
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Charles III à Versailles ? Shocking !
Enfin, parmi ces innombrables orateurs du parti des mécontents, il faut citer l’inénarrable Sandrine Rousseau qui se voit déjà marchant sur Versailles en tête du peuple de Paris comme en 1789 : « Incroyable, on va avoir Emmanuel Macron, le monarque républicain, qui va recevoir Charles III, qui va descendre les Champs-Élysées, qui va aller dîner à Versailles, pendant que le peuple dans la rue est en train de manifester ». Terminons par un coup de chapeau mérité à l’extrême gauche, qui tire ses marrons du feu et vit en ce moment le grand frisson du bazar en contemplant les drapeaux rouges qui refleurissent comme au temps des cerises. Le manque de culture historique et le faible niveau général de nombre de nos lycéens et étudiants, qui sont, les pauvres, endoctrinés très tôt par la doxa, lui fournit un grand nombre de troupes fraîches et facilement manipulables… Les syndicats « réformistes », et tous les braves gens qui défilent en croyant sincèrement œuvrer pour un monde meilleur, sont à coup sûr les idiots utiles de ceux pour qui la grève générale, voire la guerre civile, sont la bonne porte d’accès vers leur idéal communiste. Heureusement, l’histoire récente nous enseigne que, malgré leur grande gueule, et leur façon de se prendre toujours pour des sans-culottes, les Français ne veulent surtout pas de cette révolution.
Ils finissent toujours par préférer Bonaparte à Robespierre, et De Gaulle à Thorez…