Hélas, son quinquennat n’est pas un roman…
Je méditais sur le règne de notre jeune monarque qui peut-être s’achève. Et je gardais en tête que les Gaulois, connus pour être réfractaires, sont bien capables de faire mentir les sondages dont on leur rebat les oreilles. Alors, je me suis remémoré tout particulièrement deux images de ses triomphaux débuts.
Au soir de la victoire, il y eut la déambulation nocturne, la lévitation, dirais-je plutôt, sur l’esplanade du Louvre, au son de l’Hymne à la joie. J’ai songé ensuite au portrait officiel du prince qui nous a dévoilé l’intimité littéraire de cet amoureux du verbe : sur son bureau trônaient en effet Mémoires de guerre du général de Gaulle, Les Nourritures terrestres d’André Gide et Le Rouge et le Noir de Stendhal. Il y avait là de quoi toucher, en même temps, nombreuses sensibilités et non pas uniquement quelques happy few : le bougre est connu, on a pu le vérifier, pour ratisser large.
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C’est alors que, poursuivant plus avant ma rêvasserie, forte des cinq ans écoulés depuis le couronnement, je me suis fait la réflexion qu’aurait pu, sur ce royal bureau, figurer également un exemplaire du Bel -Ami de Maupassant. Si notre roitelet partage, en effet, avec Julien Sorel le désir de tutoyer les cimes, il me semble plus proche de Georges Duroy, le héros du roman de Maupassant. À la détermination sans état d’âme de Sorel, prêt à tout pour advenir, Emmanuel Macron associe la morgue, le cynisme, la roublardise et surtout le narcissisme qui sont l’apanage du très moderne Duroy.
Prêt à tout?
Notre jeune prince, en apesanteur sur l’esplanade du Louvre, en fait, c’est Duroy devenu du Roy de Cantel. Jugez-en plutôt par la description que Maupassant nous en fait, à la fin de son roman lors du mariage de son héros avec la riche héritière, Suzanne Walter : « Et il sentait derrière son dos, une foule, une foule illustre, venue pour lui. Il semblait qu’une force le poussait, le soulevait. Il devenait un des maîtres de la Terre, lui, lui, le fils des deux pauvres paysans de Canteleu. » Narcisse, triomphant des flots, s’était bel et bien mis à marcher sur l’eau.
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Au moment d’aller voter, il me semble donc opportun de rappeler aux électeurs qu’Emmanuel Macron n’a cessé de se comporter avec eux comme Bel-Ami le fit avec les femmes qu’il cajolait tout en les trompant pour arriver à ses fins, faisant feu de tout bois. Du reste, ça n’est pas pour rien que ses adversaires, avec lesquels il refuse de débattre, l’accusent de piller leurs idées. Lui s’en défend, bien sûr, avec sa désinvolture habituelle : « Si à ce point, ils ne savent pas se différencier du projet que je porte, que sont-ils allés faire dans cette galère ? Moi, c’est pas mon problème, c’est leur problème à eux ! », a -t-il déclaré lors d’une conférence de presse aux Docks de Paris alors qu’il présentait son programme.
La France, sa promise
Le ton de notre royal président n’est pas ici sans rappeler celui pris par Duroy face à l’une de ses maîtresses alors qu’elle apprend le prochain mariage du coquin avec Suzanne Walter. A l’exclamation de celle-ci, en réaction à la nouvelle : « Quel gredin tu es ! », il répond : « pourquoi ça ? j’avais une femme qui me trompait. Je l’ai surprise ; j’ai obtenu le divorce et j’en épouse une autre. Quoi de plus simple ? »
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Si nous ne voulons, donc, pas revivre une nouvelle apothéose du jeune homme qui croit vaincre sans péril pour triompher sans gloire, changeons la fin du roman de Maupassant.
Refusons le spectacle de la parade nuptiale d’Emmanuel Macron, au bras de sa promise, la France : « Il allait lentement, d’un pas calme, la tête haute, les yeux fixés sur la grande baie ensoleillée de la porte. Il sentait sur sa peau courir de légers frissons, ces frissons froids que donnent les immenses bonheurs. Il ne voyait personne. Il ne pensait qu’à lui. » Que Suzanne, en qui nous voyons une France aux yeux décillés, lasse des compromis, des compromissions et du en même temps tourne les talons et refuse de renouveler ses vœux !
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