Le Monde et Le Canard Enchaîné rapportent d’étonnants propos tenus, en petit comité, par Emmanuel Macron. Le président semble affectionner un langage de charretier quand les citoyens ne sont pas là pour l’entendre…
Lors des Vraies Voix (Sud Radio) du 18 avril, animées par Philippe David et Stéphanie de Muru – émission que j’ai la faiblesse de juger excellente par son mélange de sérieux et de drôlerie -, à nouveau confronté à la critique virulente de Françoise Degois, socialiste assumée, sur Emmanuel Macron, je me suis trouvé dans l’obligation de rappeler qu’il avait aussi des qualités, de l’intelligence et qu’on ne pouvait pas faire comme s’il était tellement médiocre que rien de positif ne pouvait être dit à son sujet. J’ai été immédiatement traité de « macroniste », ce qui est une absurdité pour qui, par exemple, lit certains de mes billets. Ceux-ci permettent, il faut le dire, de ne pas s’abandonner à une réactivité immédiate conduisant à forcer le trait…
Avoir écrit le 18 avril : « Emmanuel Macron : « une espèce de vide » ?« , m’a conduit à me pencher sur le contraste entre l’allocution présidentielle et les propos qui l’ont précédée. Entre l’apparente sérénité et équanimité de la première et la vulgarité des seconds, comme si Emmanuel Macron était un adepte du double Je. Ce que d’ailleurs j’ai toujours cru, avec cette propension qu’il a à se couler dans la conviction de son interlocuteur, sur le plan national comme – et c’est plus grave – dans le registre international.
Arrêter de faire des “turluttes” aux maires du Sud
Je ne suis pas naïf au point de m’imaginer que les chefs d’État, dans leur entre-soi de conseillers et d’affidés, n’usent que de la langue de Bossuet. C’était vrai pour le général de Gaulle, pour Georges Pompidou, pour Nicolas Sarkozy et pour Jacques Chirac. C’est vrai pour Emmanuel Macron.On peut aussi se rappeler les vulgarités de Richard Nixon, lors du Watergate, quand il se croyait seul avec ses collaborateurs.
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Pour notre président, s’il n’y a rien de choquant dans sa volonté « de faire passer en première lecture avant l’été les textes travail et immigration » et que l’expression imagée dont il use : « Il faut se mettre en danseuse et repartir. Relever le museau« n’est pas honteuse, on peut en revanche s’étonner – euphémisme ! – de la suite : « Il faut être dur avec ceux qui veulent nous crever la paillasse. Faire payer l’hypocrisie et les jeux de dupes ». Sans oublier, à l’intention de quelques maires socialistes du Sud, « il faut arrêter de leur faire des turluttes« (Ce que rapporte Le Canard enchaîné). Sans doute cela a-t-il fait rire son cercle inconditionnel mais de la part d’un président, c’est affligeant. Au risque de passer pour un rabat-joie démocratique, cette période ne prête pas vraiment à la réjouissance ! Il est vrai que tous ceux qui travaillent de près avec Emmanuel Macron ont confirmé qu’il affectionne un langage sinon de charretier, du moins plus que familier. Sans doute la libération d’un esprit trop plein… Pour être aimable !
C’est loin, 2027
Cette manière, après son intervention où il invoque l’exigence de « l’apaisement » en considérant ce dernier quasiment comme acquis, de montrer qu’il n’est prêt qu’à en découdre et à jeter encore plus d’huile sur le feu, ne laisse pas d’inquiéter sur la sincérité de celui qui a été réélu pour tenter de mener la France à bon port au moins jusqu’en 2027. C’est probablement l’une des causes fondamentales de la désaffection citoyenne que cette pluralité de langages sur le plan politique et ce que l’on pourrait appeler la comédie institutionnalisée, l’hypocrisie consacrée. Que peut bien penser un citoyen de bonne foi, même s’il n’y a pas à surestimer la délicatesse des oppositions (celle de LFI en tout cas dans le verbe et les attitudes hostiles au président), de ce clivage entre un Emmanuel Macron qui feint officiellement la douceur et l’urbanité républicaines et, dans ses coulisses authentiques, montre la dérision et le peu de crédit qu’il attache à ces dispositions affichées pour la frime démocratique ?
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Ce qui serait acceptable dans une nation à peu près en paix civile est intolérable dans un pays qui depuis plusieurs mois, est bousculé, bouleversé, fracturé, sans gouvernail véritable, sans un pouvoir respecté bien au-delà des contestations politiques. La parole publique n’est plus crue. On ne l’imprime plus comme digne d’intérêt et de confiance.
Avec un président qui joue un double Je avec les citoyens et les corps intermédiaires, elle se perdra dans les oubliettes républicaines.
Je veux conclure, selon moi de manière honnête. J’ai le droit d’avoir cette vision critique du président et de l’essentiel de sa politique mais il n’empêche que j’ai honte pour cette démocratie qui traite et insulte ainsi un chef de l’Etat réélu. J’ai peur pour lui et le silence assourdissant de toute la classe politique est lamentable.
S’opposer au président, soit, mais dégrader à ce point la fonction, non!
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