Répondant aux questions énamourées de Nathalie Iannetta et de Thomas Sotto, mardi soir sur France 2, le chef de l’État nous a fait comprendre que l’on avait tort de se plaindre de ne pas avoir de Premier ministre, alors que l’on devrait plutôt se réjouir: la France ne s’apprête-t-elle pas à figurer dans le top 5 des nations les plus titrées aux JO?
Il n’y a plus d’opinion politique qui tienne, tout le monde est pétri d’admiration devant le numéro qu’Emmanuel Macron nous a offert ce mardi 23 juillet à 20h. Il devrait rester dans les annales des Jeux olympiques des plus grands rétablissements acrobatiques de plantages politiques !
Je vous ai compris !
En l’occurrence, Jupiter a cédé sa place à Zeus au sein de l’hexagone. Après une explication distanciée de la situation politique française, et après s’être félicité d’avoir pris la décision qu’il convenait en dissolvant l’Assemblée nationale, le président nous a dit ô combien il comprenait les Français d’avoir été frustrés par une justice inefficace et insuffisante, et également par le non-contrôle de l’immigration. Une telle perspicacité nous a laissés pantois.
Les deux figurants journalistes, souriants et émerveillés, ont tenté de demander si ce nouveau rôle ne lui semblait pas un peu étrange, et s’il était conscient que les Français ne lui témoignaient pas l’affection qu’il aurait pu souhaiter ? Qu’en termes galants ces choses-là étaient dites… on était dans une ambiance sérieuse, mais pas vraiment grave. À voir la mine réjouie des protagonistes, on s’attendait ensuite à ce que l’entretien enchaine rapidement sur des bacchanales et des festivités autrement plus gaies ! Que nenni, répliquait notre nouveau président, très à l’aise dans sa nouvelle fonction, beaucoup plus haute dans les cieux, comme garant des institutions : il avait sagement permis au peuple de s’exprimer pour élire une nouvelle Assemblée, et maintenant que les trois blocs souhaités par son peuple se débrouillent et travaillent entre eux ; après peut-être acceptera-t-il de nommer un Premier ministre, après les Jeux…
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Le président a prononcé environ 30 fois le terme de responsabilité, il a « pris ses responsabilités » les autres doivent prendre leurs « responsabilités », il agit « en responsabilité »… et j’en passe ! tous responsables, tous coupables, mais… pas lui. Qu’on ne s’inquiète pas, on pourra compter sur lui jusqu’au bout de son mandat, car il nous faut un sage et nous l’avons… d’ailleurs, après avoir constitué un mur de boucliers d’airain contre le RN, il nous explique dans sa grande sagesse que tous les élus sont égaux – forcement 12 millions d’électeurs ça impressionne – et qu’il est temps de venir à leur secours. Honteux, ajoute-t-il, de ne pas leur donner de postes et de ne pas leur serrer la main à l’Assemblée nationale… Et pendant ce temps, toute la soirée on se repassait en boucle Agnès Pannier-Runacher qui avait refusé elle aussi sa blanche main au jeunot du RN (qui lui, pourtant, ne bourrait pas les urnes).
Pause festive estivale
Et puis l’heure fut finalement à la fête, à la joie ! Zeus a organisé les plus beaux Jeux olympiques de la planète, complètement bio, et la plus grande parade de tous les temps sur la Seine. Il remercie les exécutants. Et Céline Dion qui ne vient rien que pour lui, mais il ne nous dit pas si elle chantera ou si elle est là juste pour faire plaisir à Brigitte… il garde le secret, le coquin ! Et il parait qu’il nous réserve bien d’autres surprises.
C’était un grand moment de télévision, le président avait un sourire éclatant, les yeux brillants de satisfaction, les yeux bleus assortis à son costume, et il ne dissimulait pas sa joie communicante… mais comment a-t-on pu se laisser aller comme cela à la déprime ?! Incroyable : nous sommes incapables de nous réjouir de ce qui nous arrive. La liberté redonnée de nos choix politiques, un happening permanent à l’Assemblée sous la protection du dieu de l’Olympe et enfin panem et circenses (bon pour le pain, on attendra un peu). La sécurité ? On a tout bien fait ! Paris est désert, et les grillages nous protègent le long des rues et des quais (on ne peut même plus relever les poubelles, c’est dire si cela découragera les terroristes d’aller commettre des attentats). Au passage, Emmanuel Macron nous rappelle que le chômage, personne n’en parle plus, parce qu’il a réglé le problème, et que de plus tout ce pognon de dingue qu’on a dépensé pour les Jeux olympiques va nous resservir au centuple dans les années à venir…
Alors, oui, j’ai honte de ne pas avoir compris que le nirvana était là, à ma portée, ces derniers temps, et que je suis juste une grincheuse ! Que la fête commence !
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