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M. Macron, votre grand débat doit avoir lieu dans les urnes

Les législatives anticipées, issue normale des grandes crises


M. Macron, votre grand débat doit avoir lieu dans les urnes
Emmanuel Macron à l'Elysée, décembre 2018. SIPA. AP22282984_000012

Mieux vaut des empoignades d’assemblées que les caillassages du samedi. En France et ailleurs, les élections législatives anticipées sont l’issue normale des grandes crises. Une possible cohabitation ne serait une catastrophe ni pour le pays… ni pour Macron. 


Eh bien non, les Français ne sont pas des veaux ! Ils le prouvent chaque samedi de cet étrange hiver 18-19 qui ressemble à mai 68 comme une vague de reflux ressemble à une vague de flux : symétrique et inversée. Boxer les CRS sur les ponts de Paris ou attaquer à la voiture-bélier les bureaux de l’inénarrable Griveaux, voilà les réactions violentes, pleines de testostérone, d’un peuple qui refuse de se laisser mener à l’abattoir. Il est d’ailleurs probable que la fameuse phrase de De Gaulle relève plus du dépit amoureux que d’un vrai mépris.

La discussion n’est plus possible

Comme en 68, la crise des gilets jaunes est multiforme et généralisée à tout le pays : quelle n’a pas été ma stupéfaction d’apprendre samedi soir que la sage et prospère Alsace, jusqu’ici épargnée, a lancé 2 à 3 000 manifestants dans les rues de Colmar ! A une crise si générale, qui affecte des femmes et des hommes de tous âges, de tous métiers, de toutes opinions politiques, il est vain d’opposer la répression par les forces de l’ordre et la justice. La République ne peut devenir l’ennemie de la Nation. On l’a vu avec l’exemple d’Eric Drouet : son arrestation et sa garde à vue ont installé la scène où s’est déroulé le 5 janvier l’Acte VIII de cette interminable tragédie nationale.

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Le rideau ne tombera sur les émeutes qu’avec la dissolution de l’actuelle Assemblée nationale et la convocation d’élections législatives au prochain printemps. Chacun sent que les mots doivent désormais remplacer les coups et que la meilleure manière de donner la parole au peuple français, ce ne sont pas les parlotes auxquelles veut nous convier le gouvernement, parlotes qui excluent des sujets aussi brûlants que l’immigration et l’insécurité. Les meilleurs débats, ce sont les réunions électorales où les candidats et les électeurs discutent à loisir des questions plus variées, sans aucun tabou. Une solution qui par ailleurs remettrait en selle la démocratie représentative, trop décriée.

Vite des élections… 

Il ne s’agit pas d’imiter servilement l’Ancêtre fondateur qui a résolu la crise de mai 68 par les législatives de juin, mais de faire comme toutes les démocraties qui nous entourent : on appelle aux urnes chaque fois que le peuple proteste trop fort et que la situation n’est plus gérable par l’exécutif. Le Brexit comme l’échec du référendum de Renzi ont été suivis de démissions et de nouvelles élections. Mieux vaut des empoignades d’assemblées que les cassages et les caillassages du samedi.

…et la cohabitation !

Par quelles erreurs en sommes-nous arrivés là ? J’en vois trois principales. D’abord le passage du septennat au quinquennat. Comme les bêtises se font toujours avec les meilleures intentions du monde, ce changement avait pour but de donner une majorité au président élu en faisant succéder les législatives à la présidentielle. Mais il en est résulté une rigidité dans le lien entre l’exécutif et le législatif qui empêche ses moments de respiration que furent les cohabitations. Quand Mitterrand était président et Balladur Premier ministre, tout le monde se sentait représenté au pouvoir, les Français de gauche par le premier et ceux de droite par le second.

Juste proportion

La dose de proportionnelle est l’Arlésienne de la Constitution française : on en parle tout le temps, mais elle n’arrive jamais. Il est clair que la dose de proportionnelle serait une entorse à ce que voulaient le général De Gaulle et Jean-Louis Debré : un scrutin majoritaire qui dégage à l’Assemblée nationale une majorité pour soutenir le gouvernement. Mais les fondateurs de la Ve République n’avaient pas prévu le Front national et l’exclusion radicale dont il serait l’objet, qui posent à la Constitution française un problème particulier.

Chassez le FN…

La voilà, la troisième erreur, la plus grave : c’est d’avoir chassé si longtemps le Front national, ses électeurs et ses idées du débat républicain. Pendant cinquante ans on a maintenu la marmite hermétiquement fermée, elle explose aujourd’hui et se répand en flots jaunes. Magnifique exemple du retour du refoulé à l’échelle de toute une nation. Il ne fallait plus parler de nation, il ne fallait plus parler de patrie, plus parler d’identité, plus parler de frontière. La France universaliste, celle qui s’extasie devant ses beaux principes et se fait un devoir d’accueillir toute la misère du monde a imposé un silence total à celle qui n’avait que la modeste ambition pour un peuple de rester lui-même. C’est la gauche de Mitterrand qui a maintenu les lépreux de l’autre côté d’un mur infranchissable. Mais la droite de gouvernement est la principale responsable, car elle a validé ce rejet, elle a refusé tout projet d’alliance avec les immondes, elle s’est gargarisée d’avoir construit un mur infranchissable entre ses blanches brebis et les brebis galeuses de l’extrémisme. Elle n’a pas cherché ni à comprendre ses électeurs, ni à faire alliance avec ses dirigeants. Elle aurait dû savoir que tout parti extrémiste se recentre fatalement lorsqu’il a le pouvoir. Tsipras le pétroleur gauchiste est devenu un Premier ministre grec qui pactise avec les puissances d’argent et ramène son pays vers la prospérité.

…il revient au galop

Le mépris de la droite de gouvernement pour la nation a connu son apogée dans l’incroyable discours d’Eric Besson prononcé à la Courneuve en 2010 :  »La France n’est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion, c’est un conglomérat de peuples qui veulent vivre ensemble. (…) Il n’y a pas de Français de souche, il n’y a qu’une France de métissage. » On dirait du Rokhaya Diallo, eh bien non, c’est d’un ministre de Sarkozy ! Eric Besson a eu beau lécher les semelles de la gauche, son ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale n’en a pas moins été considéré par celle-ci comme une officine digne du IIIème Reich.

En Italie, les gilets jaunes sont au pouvoir

Aucun autre pays que la France n’a ainsi diabolisé tout une fraction de ses citoyens. S’il y avait une justice au ciel de la République, on enverrait la facture des dégâts commis cet hiver à tous les éleveurs de murs : Sarkozy, Juppé et pratiquement tous les dirigeants de la droite de gouvernement. Et on élèverait une statue à Robert Ménard, au beau milieu de cette place qui porte le nom si beau de Concorde. Attention. Je ne prétends pas que tous les gilets jaunes soient des électeurs de Marine Le Pen et de Nicolas Dupont-Aignan. Il y a parmi eux une énorme composante mélenchoniste qui réclame le retour de l’ISF et la chasse aux riches. Etrange contraste avec nos frères latins : les gilets Jaunes français sont dans la rue tandis que les gilets jaunes italiens sont au pouvoir à Rome, avec la Ligue à droite et le Mouvement Cinq Etoiles à gauche.

Il est vrai que dans les manifestations françaises, la crainte de la perte de l’identité par immigration et islamisation ne se manifeste que discrètement : je pense pourtant qu’elle est la vraie raison d’inquiétude, encore bloquée sur les bouches par le tabou du politiquement correct. On prétend se déchaîner pour le pouvoir d’achat, on se déchaîne en réalité contre l’angoisse de sa propre disparition.

Macron, le roi de la cohabitation ?

Le président Macron, progressiste, internationaliste et mondialisateur, a réussi à fédérer sur sa personne toutes sortes de haines. Il perdrait à plates coutures des élections législatives, d’autant plus que la « dose de proportionnelle » n’ayant toujours pas été instillée, le scrutin majoritaire amènerait à l’Assembée nationale des flots de ses ennemis. Alors, un président Macron pourvu d’un gouvernement Le Pen-Mélenchon ? Ou d’un gouvernement d’union des droites, avec Robert Ménard Premier ministre ? Et puis, les gouvernements de cohabitation s’étant toujours terminés à l’avantage du président, coucou Macron le revoilà en 22 ? Peut-être vieilli, bonifié et moins anti-Français ? L’Allemagne et l’Italie savent se tirer d’affaire avec les alliances politiques les plus abracadabrantes, pourquoi pas nous ? Un mauvais compromis parlementaire vaut mieux que la guerre civile dont ces tristes samedis de l’hiver 18-19 nous donnent l’avant-goût.



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est romancier et professeur de lettres agrégé.

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