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Macron, la crise du perlimpinpin

A force de coups de com' ratés, la politique de la poudre aux yeux ne bluffe plus personne


Macron, la crise du perlimpinpin
Emmanuel Macron lors des Assises des outre-mer, 28 juin 2018. SIPA. 00865895_000043

La poudre de perlimpinpin ne fonctionne plus: à force de coups de com’ ratés, la côte de popularité d’Emmanuel Macron ne cesse de sombrer…


Tandis que sa cote de popularité atteint son plus bas niveau depuis l’élection présidentielle, après une année d’exercice du pouvoir, Emmanuel Macron semble être entré dans une zone de turbulences et d’instabilité dont même ses thuriféraires médiatiques les plus zélés commencent à s’inquiéter.

Indépendamment de la fin mécanique du fameux état de grâce consécutif à une élection – et que les esprits mauvais animés de passions tristes guettent toujours en se léchant les babines voire précipitent à l’usure par quelque besogne de soutiers – il semble que la séquence présidentielle actuelle, calamiteuse sur bien des points, soit d’une autre nature.

Macron, la crise de l’enfant-roi

Cette crise de gouvernance s’explique par trois principaux facteurs qui se complètent et se renforcent mutuellement : une crise de la communication spécifiquement macronienne, une crise plus large et salutaire de la communication érigée en mode de gouvernance, et enfin une crise politique majeure du logiciel macronien.

Tout d’abord donc, un emballement immaîtrisé de la communication élyséenne sur fond de dancefloor sans queue ni tête (si l’on peut dire…). Les idées juteuses et punchy de Sibeth Ndiaye, l’ancienne socialiste nourrie au bon lait formateur et formaté de l’UNEF, ne semblent plus faire recette, même si l’on ne peut pas en déduire pour autant que « la meuf » soit « complètement dead ».

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A la verticalité reconquise et fermement affirmée par notre jeune roy, dès le soir de la victoire présidentielle dans la cour du Louvre, à cette symbolique exacerbée d’un pouvoir vertical assumé comme tel, et au besoin rappelé de temps à autres en coupant rageusement quelques fortes têtes – « Je suis votre chef », ce qui, adressé publiquement à un haut gradé particulièrement apprécié de ses hommes et qui aura passé toute sa vie dans le respect viscéral de la hiérarchie ne manquait pas d’un piquant que les amateurs de Game of Thrones auront rapidement rattaché à certaines scènes-cultes de la vie tumultueuse des Lannister -, à cette série de gestes revendiquant de facto et avec autorité la dignité d’un pouvoir qui s’était totalement ridiculisé sous François Hollande, a succédé, depuis quelques temps, une série de loupés communicationnels qui laissent pantois.

Ces erreurs récentes sont d’autant plus surprenantes qu’elles ont pour principal effet de détruire tout le travail, légitime et précieux, de re-verticalisation du pouvoir entrepris durant les premiers mois du mandat.

Partout et en même temps nulle part

La séquence de recadrage excessif d’un jeune, d’aspect au demeurant sympathique et qui n’avait pas l’air d’un dangereux délinquant (« Tu m’appelles Monsieur le Président, etc., etc., etc. »), séquence longue et pénible qui aurait pu et dû ne durer que quelques secondes et être diligentée avec une gentillesse toute paternelle au lieu de se transformer en leçon de morale adressée au peuple français tout entier infantilisé dans cette geste ubuesque, a donné l’impression dérangeante que l’autorité affirmée aussi lourdement se transmutait en autoritarisme à proportion qu’elle avait besoin de s’auto-clamer bruyamment.

C’est un peu le risque du « en même temps » appliqué à la question de la distance que l’on souhaite établir dans la représentation du pouvoir exercé : soit le corps du roi est partout tout le temps, réellement au contact de tous et sur tous les fronts, et alors la distance qui en garantit le corps symbolique disparaît – et dans ce cas les familiarités deviennent la norme (de l’accordéon de Giscard au « casse-toi pauv’con » de Sarkozy) -, soit on établit une certaine distance, on l’assume, et on laisse son exécutif gouverner et occuper le terrain médiatique – ce qui est normalement sa fonction -, se coltiner les bains de foule et les risques d’interpellation.

Il n’y a pas de « en même temps » de l’autorité.

La communication politique n’est pas une politique

On assiste par ailleurs aux limites de la communication politique elle-même, ce dont on ne peut que se réjouir, après des décennies de montée en puissance d’un storytelling érigé en alpha et omega de l’action politique par des babyboomers férus d’info-com, alors que cette communication devrait n’être qu’un outil discret et au service d’un projet clair. Les communicants, et autres spin-doctors, commencent peut-être à trouver, et on le souhaite, les limites structurelles de leur pouvoir exorbitant qui, bien souvent, se fait au détriment des convictions politiques réelles. La séquence du vrai-faux propos « off » dans lequel le président en chemise évoque le « pognon de dingue » des pauvres qui restent pauvres est, de ce point de vue, calamiteuse. Il ne s’agit pas de se prononcer sur la question des aides sociales, en l’occurrence, mais sur ce que cette vraie-fausse intrusion dans l’intimité profonde de la pensée sociale macronienne révèle : un discours pseudo-iconoclaste, a priori théâtralisé afin de séduire la droite libérale à laquelle on a déjà livré la SNCF en pâture telles des sardines jetées aux otaries de Marineland. Il est bon de se rappeler que la communication politique ne remplace pas la politique.

Péché d’orgueil, de gourmandise, et d’hubris, en l’occurrence, que de vouloir pousser toujours plus loin son avantage. Car, si Emmanuel Macron séduit une partie de l’électorat traditionnel centre-droit, il conviendrait de ne pas oublier qu’il doit également son trône au peuple de gauche dit « castor », lequel souhaitait surtout « faire barrage » quitte à se boucher le nez en installant un néo-libéral aux manettes.

La magie ne dure qu’un temps

Et c’est ici que l’impasse politique du « en même temps » devient flagrante, puisque dans l’échec de la communication, par chance et sans excès de platonisme, on commence à regarder les idées elles-mêmes : séduire un petit chouïa du peuple de droite déboussolé par les deux défaites consécutives de 2017, c’est assez facile avec quelques mesures économiques et « sociales ». Mais maintenir culturellement cet électorat par-devers soi en fustigeant, en toute occasion, ce qui en fait le substrat culturel, le marqueur idéologique profond, en rejetant, en psychiatrisant, en haïssant toute forme d’attachement identitaire à la nation, voilà une quadrature du cercle parfaitement irréalisable. Sans compter que, sur le plan-même des mesures économiques et sociales supposées emporter l’adhésion de la droite, l’atteinte annoncée aux pensions de réversion ne sera pas accueillie avec la même mansuétude que le coup de rabot sur les APL : s’en prendre à la solidarité envers les retraités, voilà qui ne saurait séduire l’électeur de droite. Encore un exemple du coup de trop, de la gourmandise qui fait perdre aux échecs, de la fameuse petite faiblesse qui vous perdra.

Concernant cette haine viscérale anti-identitaire, arborée en toutes circonstances et notamment dans une posture convoitée de leader fantasmé du monde européen – lequel ne finit plus que par tracter le radeau de la méduse du parti socialiste espagnol, seul rescapé d’une bien-pensance surannée et irréaliste -, il s’agit là évidemment d’une erreur politique majeure qui suffit à faire fuir l’électorat de droite préalablement conquis. En outre, espérer reconquérir de la sorte le peuple de gauche, que l’on s’est aliéné et que l’on a perdu définitivement dans les conflits sociaux menés de manière thatchérienne (loi « Travail » puis loi sur le transport ferroviaire), représente un objectif tout à fait illusoire et relève de l’erreur à la fois tactique et stratégique.

Les ravages de la « lèpre »

Le peuple de droite, très majoritairement attaché à l’idée de nation (parfaitement compatible, du reste, avec un projet européen de type gaulliste et non dilué dans les actuelles institutions européennes) ne peut pas tolérer qu’on qualifie de « lèpre » l’attachement à ces principes souverains qui fondent l’idée nationale.

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Il ne s’agit plus ici d’une impasse communicante mais bien d’un cul de sac politique. Le récent sommet européen consacré à la crise des migrants a confirmé la victoire des Etats qualifiés de lépreux ou populistes, lesquels ne seront plus contraints officiellement d’accueillir des migrants s’ils ne le souhaitent pas. Par quel truchement Emmanuel Macron a-t-il transformé cela dans sa déclaration en une « victoire » (sic) de sa vision, lui qui préconisait a contrario la répartition par quotas ainsi que des sanctions contre les populistes récalcitrants ? Nul ne sait. Mais pas sûr que la poudre de perlimpinpin que constitue cette communication à rebours du réel ne trompe désormais grand monde, et même une victoire des Bleus en Coupe du Monde serait comprise, en cas d’appropriation excessive, comme une grossière tentative de récupération politique.

Avec la fin du storytelling, on entre dans le dur, et la particularité du dur, c’est de ne pas être en même temps mou.



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Chroniqueuse et essayiste. Auteur de "Liberté d'inexpression, des formes contemporaines de la censure", aux éditions de l'Artilleur, septembre 2020.

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