Alors que l’ONU fête ses 75 ans, la diplomatie française œuvre pour les intérêts… allemands
« La ligne que je veux avoir pour la France, c’est une ligne que je qualifierai de gaullo-mitterrandienne », avait affirmé Emmanuel Macron dans l’entre-deux-tours de la présidentielle de 2017[tooltips content= »Propos tenu lors du débat télévisé face à Marine Le Pen du 3 mai 2017″](1)[/tooltips]. Or c’est tout l’inverse qu’il pratique.
Je veux tenir une ligne gaullo-mitterrandienne à l’international : je veux une France qui sache construire la paix. #2017LeDébat pic.twitter.com/dID7G2CCv0
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 3, 2017
Ouverte le mois dernier et prévue pour durer jusqu’en décembre, l’Assemblée générale des Nations Unies est la 75e du nom. Il y a en effet 75 ans qu’a été créée l’ONU, l’Organisation des Nations unies. En 1945, grâce à l’obstination du général de Gaulle, la France y avait obtenu son siège de membre permanent du Conseil de sécurité, doté d’un droit de veto.
Treize ans plus tard, confiant à Maurice Couve de Murville les clefs du quai d’Orsay qu’il allait conserver une décennie durant, le général de Gaulle lui avait donné cette unique consigne :« En matière de politique étrangère, ne jamais s’en remettre à personne d’autre qu’à soi-même. »
Lors de la première guerre du Golfe (1990-1991), si François Mitterrand engagea la France contre l’Irak aux côtés de la coalition internationale menée par les États-Unis – position des plus contestables –, c’est parce qu’il considérait que dans le contexte international nouveau-né de la chute du Mur de Berlin, l’ONU, alors affaiblie, allait retrouver toute sa vigueur. Et que, par conséquent, la France ne devait en aucune façon voir contesté son siège de membre permanent[tooltips content= »Position explicitée par l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine in Les Mondes de François Mitterrand (Fayard, 1996). »](2)[/tooltips].
Du fondateur de la Ve République jusqu’à François Hollande, même en dépit de choix diplomatiques et stratégiques souvent contestables, voire nocifs et parfois criminels, les présidents successifs auront eu au moins le mérite de faire en sorte que les prises de position de la France en matière internationale ne procèdent que de sa seule décision. Tragiquement, c’est une voie totalement inverse qu’a choisie, délibérément, Emmanuel Macron, tout « gaullo-mitterrandien » qu’il se réclamât.
Emmanuel Macron n’a de cesse, depuis son accession à la présidence de la République, de mettre en pièces notre autonomie de décision en matière diplomatique et stratégique. Et, ce faisant, il trahit non seulement l’esprit mais le texte de la Constitution de la Ve République qui fait du chef de l’État, par son article 5, « le garant de l’indépendance nationale ».
Par le traité d’Aix-la Chapelle, il n’a pas complété le traité de l’Élysée, il l’a bafoué. Alors que le général de Gaulle et Konrad Adenauer étaient convenus que « sur toutes les questions importantes de politique étrangère, et en premier lieu sur les questions d’intérêt commun », la France et l’Allemagne mèneraient des consultations – rien de plus – « en vue de parvenir, autant que possible, à une position analogue », ce qui n’engageait à rien de plus qu’à de la courtoisie, Emmanuel Macron a paraphé un texte léonin dans lequel il est écrit (article 8, alinéa 2) : « Les deux États s’engagent à poursuivre leurs efforts pour mener à terme des négociations intergouvernementales concernant la réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies. L’admission de la République fédérale d’Allemagne en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies est une priorité de la diplomatie franco-allemande. » Une priorité !
Rien d’étonnant, dès lors, à ce que le ministre allemand des Finances Olaf Scholz ait réclamé que la France abandonne son siège de membre permanent du Conseil de sécurité au profit de l’Union européenne – donc, de facto, de l’Allemagne. Précisons qu’Olaf Scholz n’est autre que le candidat social-démocrate à la succession d’Angela Merkel au poste de chancelier dans la perspective des élections au Bundestag de septembre 2021.
De même, à force de parler de « souveraineté européenne », cet oxymore qu’il répète comme un mantra comme s’il lui fallait exorciser tous ceux qui sont simplement des patriotes, Emmanuel Macron multiplie les coups de boutoir à l’égard de la seule souveraineté qui vaille, la souveraineté nationale, la seule, là encore, reconnue par la Constitution de la Ve République.
Rappelons également à Emmanuel Macron que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, auquel le préambule de la Constitution de la Ve fait référence, stipule ceci en son article 3 : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. »
Le jour même de son investiture, le 14 mai 2017, Emmanuel Macron avait eu ces phrases passées inaperçues dans son premier discours au peuple français en tant que président de la République : « Nous avons besoin d’une Europe plus efficace, plus démocratique, plus politique, car elle est l’instrument de notre puissance et de notre souveraineté. J’y œuvrerai. »
C’est, hélas, la seule promesse contraire à l’esprit comme au texte de la Constitution qu’il ait tenue, conduisant jusqu’au précipice, le cœur joyeux et l’esprit assuré de celui qui marche dans le sens du progrès, notre existence de Nation libre et souveraine.
Jérôme Rivière est président de la délégation française du groupe ID, député européen et coordinateur de la commission Sécurité-Défense.
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