En réunissant sa majorité à l’Élysée mardi 11 février, le Président avait révélé les deux axes majeurs pour la suite de son quinquennat: régalien et écologie. Depuis, la trivialité et la petitesse de l’affaire Griveaux ont éclipsé les idées développées alors par notre Nostradamus de président. Peu importe…
Glacier du Mont-Blanc qui fond, islam ou revenge porn: dites-lui de quoi l’avenir vous fait peur! Tel Philippulus, le prophète fou dans Tintin, Macron excite les peurs plus qu’il ne s’emploie à résoudre les problèmes pour rester en place.
Un communautarisme exhibitionniste mine notre pacte républicain. L’islam séparatiste prend en effet la main sur des quartiers entiers tenus par caïds et barbus. Aux prochaines élections, on craint que des candidats bon teint proches de cette mouvance séditieuse réalisent des scores honorables. Pour tenter de mettre bon ordre à cette inquiétante situation sécuritaire, Emmanuel Macron est attendu en ce début de semaine en province pour un déplacement [à Mulhouse NDLR]. Il entendrait montrer aux Français qu’entre les municipales qui se profilent et la réforme des retraites qui arrive à l’Assemblée, les questions de sécurité ne sont pas oubliées.
Le “pays réel” en proie à l’insécurité
Sur ce volet préoccupant, dès mardi 11 février, en réunissant sa majorité à l’Élysée, le président a repris le vocabulaire de Charles Maurras, évoquant un “pays réel” en proie à l’insécurité et un “pays légal” indifférent. Pays légal ? Montrait-il du doigt les macronistes, au pouvoir mais déconnectés des “territoires” et des quartiers à forte immigration ? Alors qu’ils étaient réunis pour être câlinés, il fallait oser… Quelques jours plus tôt, les députés avaient trouvé insupportable que l’Élysée voie de l’inhumanité dans leur vote sur le congé de deuil pour les parents ayant perdu un enfant.
Le président a profité de la réunion pour dévoiler les deux grands axes de la suite de son quinquennat. Tel un oracle, il a prédit que ce sont la transition écologique et le régalien qui occuperaient le temps politico-médiatique. Mais dans cette époque maudite où nos hommes politiques semblent désemparés face au réel et à la fin du monde qu’on nous promet, chacun se demande si ce ne sont pas des vœux pieux.
A lire aussi: Et soudain, Macron a parlé « d’un islam qui veut faire sécession »
En septembre dernier, parlant d’immigration devant les mêmes parlementaires, il affirmait déjà : “Les bourgeois n’ont pas de problème avec ce phénomène parce qu’ils ne les croisent pas. Les classes populaires vivent avec ça”. La semaine dernière, devant cette majorité dont il loue l’amateurisme (!), il enfonce le clou :
“Le problème qu’on a politiquement, c’est qu’on a pu donner le sentiment à nos concitoyens qu’il y avait un pays légal et un pays réel (…) Sur le sujet de la sécurité, en premier chef, il faut faire bouger le pays réel !”
Choisissez votre équipe
Pas peu fier d’avoir mis à terre socialistes et droite républicaine en 2017, le président a toujours fait la bonne analyse politique. Désormais, pour se maintenir au pouvoir, il décompose la société française en deux grandes équipes qu’il entend réunir : ceux qui croient au grand réchauffement, et ceux qui craignent le grand remplacement.
Mais il est de moins en moins aisé de faire avaler à l’opinion que le « progressisme » obnubilé par le taux de la croissance puisse s’accorder avec le virage écologique serré que des experts ou Nicolas Hulot estiment indispensable de prendre. Dans leurs débats, les 150 citoyens anonymes de la convention climat – on attend leur rapport début avril – ont par exemple affirmé que la France ne devait pas ratifier l’accord économique du CETA.
A lire aussi: Bienvenue dans la société 0% hypocrisie 100% transparence!
Quant à l’“écosystème” social mal en point évoqué plus haut, Macron a décidé de ne plus parler de communautarisme mais de “séparatisme”. Est-ce à dire qu’il est acté pour l’exécutif que la France a renoncé à imposer son modèle d’intégration républicain ? Devons-nous comprendre que la France est devenu pays au modèle communautaire ? Quelle abdication !
Pour certains observateurs, comme Céline Pina, avec l’expression “séparatisme”, le président se cache derrière son petit doigt, alors que l’honnêté voudrait que l’on parle d’islamisme, seule définition pertinente pour caractériser la menace qui pèse sur le corps social français.
Griveaux et l’Occident menacés (par les Russes?)
Coup de théâtre : à peine ce déprimant plan de route écolo-sécuritaire dévoilé, l’affaire Griveaux éclabousse l’entourage proche de notre oracle de président. En cette époque curieuse où l’on se complait à dénoncer ceux qui ne répondent pas comme il faut aux CV aux blases pas assez franchouillards, et où les médias occupent leur temps à décompter les minorités aux Victoires de la musique et aux César, voilà un “name and shame” qui n’était pas prévu par le gouvernement !
En haut du boulevard de Strasbourg, seule la Gare de l’Est se réjouit. Avec les autres candidats à la Mairie de Paris, j’imagine.
Le malheureux Griveaux n’a rien à se reprocher, mais en ces nouveaux temps médiatiques, un mauvais feuilleton s’étalant des semaines durant est ce qui fait vraiment peur à nos dirigeants. La queue entre les jambes, la macronie n’a pas eu d’autre choix que d’abandonner son candidat pour Paris. L’actualité, les réseaux sociaux et les médias sont désormais autant de casseroles que le chef cuisto de l’Élysée surveille comme le lait sur le feu. Cela peut déborder à tout moment! Macron reprend l’initiative en roulant des mécaniques contre le “séparatisme”, petit jeu qui flatte aussi l’électorat de droite. Pour tous les autres citoyens, le soin est laissé aux éditorialistes de relayer d’autres inquiétudes. En plus des complots russo-kosovars dont il faut se méfier, il faudrait craindre le retour rapide d’un pouvoir autoritaire en France. Pourquoi ? Le personnel qualifié apeuré se détournerait de notre vie politique où il n’y a que de mauvais coups à prendre, et la démocratie serait en danger.
Agréger les peurs et continuer de faire place nette autour d’eux pour régner, méfiez-vous aussi des collapsologues!
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !