Emmanuel Macron, au lendemain d’une intervention télévisée sur la guerre russo-ukrainienne où il est apparu en protecteur de la nation, a donc fini par présenter sa candidature à l’élection présidentielle. Notre chroniqueur analyse cette «Lettre aux Français».
Emmanuel Macron connaît ses classiques. Il sait que dans « Le Corbeau et le Renard », le rusé goupil s’abstient complètement de dire « Je » : il use systématiquement du « vous » pour faire croire au Corbeau qu’il le prend en haute considération. C’est la base de la flatterie et de la séduction.
Il faut donc attendre le cinquième paragraphe pour trouver ce Je inévitable mais longtemps suspendu. Bien joué. Mais quand il y va, il y va fort, avec une anaphore insistante :
« Voilà pourquoi je sollicite votre confiance pour un nouveau mandat de Président de la République. Je suis candidat pour inventer avec vous, face aux défis du siècle, une réponse française et européenne singulière. Je suis candidat pour défendre nos valeurs que les dérèglements du monde menacent. Je suis candidat pour continuer de préparer l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants. »
Et immédiatement il revient au « nous » qu’il utilisait depuis le début de sa missive : « Pour nous permettre aujourd’hui comme demain de décider pour nous-mêmes. » Un « nous » globalisant », qui inclut adroitement le « vous » (Nous, c’est Moi +Vous).
Macron a d’ailleurs commencé sur ce registre complice : « Depuis cinq ans, nous avons traversé ensemble nombre d’épreuves. Terrorisme, pandémie, retour de la violence, guerre en Europe : rarement, la France avait été confrontée à une telle accumulation de crises. Nous avons fait face avec dignité et fraternité. »
Vous avez remarqué ? Isolez les mots importants : « Nous », « épreuves », « la France » (qui est le singulier collectif qui englobe le « nous ») et « fraternité » — le dernier mot de la devise républicaine, qui évoque en filigrane l’histoire du pays depuis 1789. Bien joué. Bien écrit.
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Mais la phrase suivante
